Affichage des articles dont le libellé est polar. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est polar. Afficher tous les articles

samedi 25 juillet 2015

Sans raison, de Mehdy Brunet


Résumé
Je suis dans cette chapelle, avec ma femme et mes deux enfants, je regarde le prêtre faire son sermon, mais aucun son ne me parvient.
Je m'appelle Josey Kowalsky et en me regardant observer les cercueils de ma femme et de ma fille, mon père comprend.
Il comprend que là, au milieu de cette chapelle, son fils est mort. Il vient d'assister, impuissant, à la naissance d'un prédateur.



Mon avis
« Sans Raison », premier roman de Mehdy Brunet est un thriller sombre et efficace. 
Dès le prologue, le ton est donné. Le récit à la première personne annonce en effet la couleur : Josey assiste à l'enterrement de sa femme et de sa fille, perdues dans un événement tragique. L'homme qu'il était n'y a pas résisté : il est devenu un prédateur.

Le récit à la première personne emmène vite le lecteur dans une intrigue noire et horrible. Un flash-back nous fait découvrir la famille Kowalsky, unie et complice et les événements qui les font sombrer dans l'horreur. En effet, l'auteur n'épargne rien, ni à son personnage, ni au lecteur. Suite à l'enlèvement de sa femme et de sa fille, le père reçoit les vidéos des tourments qu'elles subissent. Entre tortures (physiques et psychologiques) et viols, l'auteur décrit des scènes presque intenables, difficiles à lire, mais qui expliquent le changement total de comportement du père. Comment réagir face à ce cauchemar qui conduit à leur mort ? On le voit progressivement sombrer dans une haine proche de la folie. Retrouver les coupables et leur faire payer leur crime devient une obsession, une raison de vivre. 

Dans cette soif de vengeance le clan Kowalsky s'unit et Josey trouve des alliés inattendus.
D'abord son fils, qui du haut de ses onze ans est capable de comprendre la situation, approuve la traque qu'entreprend son père. Puis son propre père décide de l'accompagner et de l'aider, ainsi que son énigmatique grand père, au passé trouble et qui a bien caché son jeu pendant des années.
La traque commence et Josey traite les monstres qu'il retrouve un à un, à la hauteur de leurs crimes. Les tortures qu'il leur inflige s'apparentent à un instinct de vengeance sauvage, sadique, sans aucune pitié. Certaines scènes font froid dans le dos. On ne peut que se demander quel comportement aurait été le nôtre dans de telles circonstances. Même si on ne cautionne pas forcément ses actes, on comprend tout à fait. Cet aspect m'a semblé peu développé dans le récit. On s'attarde brièvement sur les inquiétudes du père envers les agissements de son fils, mais l'ignominie des monstres auxquels il fait face arrive à le convaincre du bien fondé de tels actes et rend leur avancée crédible. Même le policier chargé de l'enquête sur les meurtres se laisse influencer. 

Le style de Mehdy Brunet est précis et efficace et se lit avec plaisir. Le récit se veut tout aussi efficace, mais j'ai décelé quelques points qui m'ont gêné à la lecture.
Si la narration est principalement à la première personne, l'auteur décroche pour quelques passages à la troisième personne, du point de vue de la mère et de la fille, du point de vue des « monstres ». C'est dommage, le récit n'aurait pas perdu de son rythme et de son efficacité entièrement à la première personne. 
Un passage m'a paru par exemple redondant : celui du point de vue de la mère qui cherche à sauver sa fille. En effet, on retrouve le récit de leur fuite donné par le médecin légiste. Il était donc inutile de fournir cette information du point de vue de la mère, puisque le narrateur (récit à la première personne) la reçoit de toute façon. (surtout que le lecteur connaît déjà l'issue fatale depuis le début!)
Le récit n'en reste pas moins efficace, centré sur la traque, sans s’embarrasser de réflexions outre mesure, ce qui n'est pas gênant, puisque les scènes sont bien décrites et soignées.

En conclusion, il s'agit d'un bon thriller, mais malgré tout trop sombre et réaliste pour moi. Cela ne m'a pas empêché de le lire en une journée, car le récit est efficace et le style fluide. Il devrait plaire aux amateurs du genre, mais âmes sensibles, s'abstenir...
Je remercie le forum « Au cœur de l'imaginarium » et les éditions Taurnada pour cette lecture intense.

jeudi 7 mai 2015

LUCIFUGES, de Jean-Baptiste DUCOURNAU


Résumé
Quel est le lien entre une étrange prostituée péruvienne assassinée, un tueur à masque de chien armé d'une disqueuse qui signe ses crimes en décapitant des chats, une petite société high tech cotée dans un des trous noirs de la Bourse, un dentiste – ami d'enfance du commissaire en charge de l'enquête – dont le comportement se modifie entre chien et loup et qui disparaît à la nuit tombée, des amateurs de sensations fortes qui sillonnent les catacombes ? C'est ce que Augustin Cornélius – adepte forcené de la pêche au Sandre dans la Seine – et ses deux adjoints, Clara Demaistre - collectionneuse de boules à neige -, et Jean-Christophe Pereira – fan absolu de rétrogaming – vont devoir découvrir.
Lucifuge : en zoologie, se dit des espèces fuyant la lumière...
Un polar enjoué, au rythme endiablé !

Mon avis


Le début du roman « Lucifuge » peut laisser le lecteur perplexe. On découvre un style plutôt lourd, car l’auteur cherche à en faire beaucoup trop, des descriptions interminables et beaucoup d’informations qui ne permettent pas de poser l’intrigue, même si le personnage principal se démarque par son parler direct et un peu trop franc et sa passion envahissante pour la pêche (un chapitre entier y est consacré). La façon de poser l’intrigue et les personnages ne semble pas naturelle, trop calculée.
Donc, le début peut sembler dissuasif pour le lecteur, qui doit s’accrocher pour trouver un style un peu plus fluide et pour s’habituer à la plume de l’auteur.

Les personnages du roman sont bien caractérisés, même si un peu stéréotypés. Ils manquent cependant de profondeur. On ne les voit pas vraiment évoluer du début à la fin du roman : ils restent les mêmes.
Ils ne manquent pourtant pas de répartie et les dialogues offrent des moments savoureux. Par moments, ils manquent toutefois de crédibilité, tant les interlocuteurs (surtout Cornélius, personnage principal) ont à cœur d’étaler leur savoir. Les réactions du commissaire Cornélius sont même parfois extrêmes et étranges, amenées par des coups d’humeur qui laissent le lecteur se demander s’il est vraiment sérieux.
On apprécie pourtant ses joutes verbales avec Joëlle, sa maîtresse. Leurs échanges romanesques amusent le lecteur. Clara, sa collègue, reste également une des rares personnes à lui tenir tête , contrairement à l’inspecteur Pereira, plutôt effacé.

Si les personnages tiennent la route, et si les dialogues et descriptions sont soignées (voire même à l’extrême), l’intrigue par contre peine à se développer. On oublie par moment quelle tournure prend l’enquête qui piétine et se noie sous d’autres détails. Elle nous mène à droite à gauche sans logique précise et il faut attendre la fin du roman pour qu’elle se mette en place et s’accélère.

Le roman prend place à Paris et l’auteur maîtrise l’espace à merveille, nous proposant des ballades dans ses rues, ses parcs, et même ses tous-terrains. J’ai particulièrement aimé la progression dans les catacombes.

En conclusion, le roman « Lucifuge » se centre sur son personnage principal, s’appuie sur un style qui se veut riche, mais manque de naturel. Le tout reste un peu artificiel et l’intrigue trop peu présente. Dommage, car les bases étaient intéressantes. Un roman plus centré sur l’intrigue et expurgé de ses détails inutiles aurait pu être très agréable.
Je remercie « Au cœur de l’imaginarium » et les éditions « Chemin vert » pour cette lecture.

lundi 20 avril 2015

LA TRIBU DES DERNIERS ROMANTIQUES, de Jocelyn PEYRET



Résumé
En voyage dans le bush australien Kilo et son chien Pinard sont embarqués malgré eux dans une enquête qui les oblige à se coltiner des policiers bedonnants et une industrie du nucléaire prise à partie par des militants internationaux.

Ils partageront la route d'aborigènes en lutte pour leur souveraineté et opposés à des projets de mines d'uranium sur leur territoire habité de nombreuses légendes.


Mon avis

Le récit débute sur une scène d'une grande violence. Une femme se fait violer et tuer devant les yeux de ses enfants, Helen et Jimmy. On s'attend à retrouver ensuite ces deux enfants, mais ce n'est pas le cas, et on en vient vite à se demander à quoi rime ce premier chapitre, intense et choquant. 

La suite nous présente d'autres personnages, une nouvelle intrigue se met en place et on se sent quelque peut déstabilisé. Pourtant le style vif et fluide de l'auteur, qui se soucie du détail et permet de visualiser les scènes, ainsi que la narration dynamique et équilibrée entraînent le lecteur dans les aventures de ces nouveaux personnages, avec en tête Val et Tonyo. Ecologistes activistes, ils vont s'investir pour la cause des aborigènes d'Australie et contre les mines d'Uranium qui détériorent leur environnement, leur santé, et leur volent leur terres. Helen ne tardera pas à réapparaître dans un rôle secondaire, plutôt effacée. L'organisation de lutte contre les mines s'organise et l'auteur nous en fait le récit en équilibrant préparations des actions et quotidien, puis décroche vite sur d'autres personnages. J'ai apprécié ce petit groupe d'écologistes engagés, solidaires et complices, qui savent se partager les tâches avec efficacité et qui s'attaquent avec intelligence, courage et sans violence, à bien plus forts qu'eux.

On se retrouve vite à suivre de nombreux personnages, tous impliqués, acteurs ou victimes des actions écologiques des activistes. Ils se croisent dans des circonstances plus ou moins heureuses et deviennent, de gré ou de force, impliqués dans l'intrigue. Pour mener son récit et gérer cette profusion de point de vue, l'auteur a choisi une narration externe, qui lui laisse une grande marge de manœuvre. Si celle-ci ne permet pas une immersion, en utilisant le regard des personnages, l'auteur nous emmène tout de même grâce à sa plume, et les deux intrigues qui finissent par se rejoindre. De plus, les dialogues vivants et naturels permettent de mieux cerner les personnages. Ceux-ci sont présentés de manière brève, mais complète : leurs origines, leur vie, leurs espoirs, les obstacles et les conflits.
L'auteur reste cependant omniscient, mène le récit à sa guise et se permet même de faire de commentaires, plus ou moins ironiques, voire cyniques, sur les situations présentées. 
On s'aperçoit également qu'Helen (petite fille du départ), pourtant discrète sur la moitié du roman se trouve au centre de toutes les intrigues : les deux principales, ainsi que des sous-intrigues influant sur le dénouement de l'histoire. 
Cette construction assez inhabituelle du récit fut fort intéressante à découvrir et à lire.

Le message passé par l'auteur est écologique, mais également anticolonialiste. Le mal fait aux aborigènes, le racisme constant à leur égard est omniprésent dans le récit. L'auteur aborde leur misère, leur manque de possibilités (peu de perspectives de travail et d'avenir), mais aussi leur culture et leurs rites ancestraux. 
On note également de très nombreuses références musicales, certaines connues et d'autres moins. (J'ai aimé l'allusion à Sigur Ros que j'aime beaucoup, mais d'autres groupes cultes sont aussi cités).

Les paysages sont décrits de manière plutôt imagée et il semble parfois difficile de se les représenter. Pourtant le style tantôt pragmatique, tantôt poétique offre une idée -même si confuse- colorée de ceux-ci. 
L'auteur garde tout de même le soucis du détail et malgré la gestion des deux intrigues et des sous-intrigues qui en découlent, mais aussi malgré les nombreux personnages, maîtrise son récit et ne laisse pas passer d'incohérence. J'ai noté tout de même quelques petites maladresses et erreurs d'orthographes non corrigées (peu nombreuses, et ne gêne pas à la lecture, mais qui m'ont tout de même interpellée)
Le dépaysement passe surtout par l'aspect culturel et social. L'ensemble n'échappe pas aux clichés : les blancs racistes, salauds et méprisants contre les aborigènes, les méchants contre les gentils. Un peu plus de nuances aurait pu ajouter de la profondeur à ce récit plaisant. 

La fin est plutôt frustrante, non pas qu'elle soit illogique, bien au contraire, mais à l'image du récit elle révèle que gagner une bataille n'équivaut pas à gagner la guerre et l'ennemi est puissant. L'auteur n'épargne d'ailleurs pas ses personnages.

En conclusion, j'ai apprécié la construction du récit, même si elle m'a surprise au début. Le style très agréable de l'auteur nous emporte au fil des personnages attachants. Même si le discours est virulent, et que je ne connais pas la situation et ne peut juger son degré de pertinence, l'auteur sait nous convaincre et nous apprend beaucoup sur la situation aborigène en Australie. Ce fut donc une lecture très agréable et je remercie les éditions « Chemin Vert » et le forum « Au cœur de l'imaginarium » pour ce partenariat.