lundi 20 avril 2015

LA TRIBU DES DERNIERS ROMANTIQUES, de Jocelyn PEYRET



Résumé
En voyage dans le bush australien Kilo et son chien Pinard sont embarqués malgré eux dans une enquête qui les oblige à se coltiner des policiers bedonnants et une industrie du nucléaire prise à partie par des militants internationaux.

Ils partageront la route d'aborigènes en lutte pour leur souveraineté et opposés à des projets de mines d'uranium sur leur territoire habité de nombreuses légendes.


Mon avis

Le récit débute sur une scène d'une grande violence. Une femme se fait violer et tuer devant les yeux de ses enfants, Helen et Jimmy. On s'attend à retrouver ensuite ces deux enfants, mais ce n'est pas le cas, et on en vient vite à se demander à quoi rime ce premier chapitre, intense et choquant. 

La suite nous présente d'autres personnages, une nouvelle intrigue se met en place et on se sent quelque peut déstabilisé. Pourtant le style vif et fluide de l'auteur, qui se soucie du détail et permet de visualiser les scènes, ainsi que la narration dynamique et équilibrée entraînent le lecteur dans les aventures de ces nouveaux personnages, avec en tête Val et Tonyo. Ecologistes activistes, ils vont s'investir pour la cause des aborigènes d'Australie et contre les mines d'Uranium qui détériorent leur environnement, leur santé, et leur volent leur terres. Helen ne tardera pas à réapparaître dans un rôle secondaire, plutôt effacée. L'organisation de lutte contre les mines s'organise et l'auteur nous en fait le récit en équilibrant préparations des actions et quotidien, puis décroche vite sur d'autres personnages. J'ai apprécié ce petit groupe d'écologistes engagés, solidaires et complices, qui savent se partager les tâches avec efficacité et qui s'attaquent avec intelligence, courage et sans violence, à bien plus forts qu'eux.

On se retrouve vite à suivre de nombreux personnages, tous impliqués, acteurs ou victimes des actions écologiques des activistes. Ils se croisent dans des circonstances plus ou moins heureuses et deviennent, de gré ou de force, impliqués dans l'intrigue. Pour mener son récit et gérer cette profusion de point de vue, l'auteur a choisi une narration externe, qui lui laisse une grande marge de manœuvre. Si celle-ci ne permet pas une immersion, en utilisant le regard des personnages, l'auteur nous emmène tout de même grâce à sa plume, et les deux intrigues qui finissent par se rejoindre. De plus, les dialogues vivants et naturels permettent de mieux cerner les personnages. Ceux-ci sont présentés de manière brève, mais complète : leurs origines, leur vie, leurs espoirs, les obstacles et les conflits.
L'auteur reste cependant omniscient, mène le récit à sa guise et se permet même de faire de commentaires, plus ou moins ironiques, voire cyniques, sur les situations présentées. 
On s'aperçoit également qu'Helen (petite fille du départ), pourtant discrète sur la moitié du roman se trouve au centre de toutes les intrigues : les deux principales, ainsi que des sous-intrigues influant sur le dénouement de l'histoire. 
Cette construction assez inhabituelle du récit fut fort intéressante à découvrir et à lire.

Le message passé par l'auteur est écologique, mais également anticolonialiste. Le mal fait aux aborigènes, le racisme constant à leur égard est omniprésent dans le récit. L'auteur aborde leur misère, leur manque de possibilités (peu de perspectives de travail et d'avenir), mais aussi leur culture et leurs rites ancestraux. 
On note également de très nombreuses références musicales, certaines connues et d'autres moins. (J'ai aimé l'allusion à Sigur Ros que j'aime beaucoup, mais d'autres groupes cultes sont aussi cités).

Les paysages sont décrits de manière plutôt imagée et il semble parfois difficile de se les représenter. Pourtant le style tantôt pragmatique, tantôt poétique offre une idée -même si confuse- colorée de ceux-ci. 
L'auteur garde tout de même le soucis du détail et malgré la gestion des deux intrigues et des sous-intrigues qui en découlent, mais aussi malgré les nombreux personnages, maîtrise son récit et ne laisse pas passer d'incohérence. J'ai noté tout de même quelques petites maladresses et erreurs d'orthographes non corrigées (peu nombreuses, et ne gêne pas à la lecture, mais qui m'ont tout de même interpellée)
Le dépaysement passe surtout par l'aspect culturel et social. L'ensemble n'échappe pas aux clichés : les blancs racistes, salauds et méprisants contre les aborigènes, les méchants contre les gentils. Un peu plus de nuances aurait pu ajouter de la profondeur à ce récit plaisant. 

La fin est plutôt frustrante, non pas qu'elle soit illogique, bien au contraire, mais à l'image du récit elle révèle que gagner une bataille n'équivaut pas à gagner la guerre et l'ennemi est puissant. L'auteur n'épargne d'ailleurs pas ses personnages.

En conclusion, j'ai apprécié la construction du récit, même si elle m'a surprise au début. Le style très agréable de l'auteur nous emporte au fil des personnages attachants. Même si le discours est virulent, et que je ne connais pas la situation et ne peut juger son degré de pertinence, l'auteur sait nous convaincre et nous apprend beaucoup sur la situation aborigène en Australie. Ce fut donc une lecture très agréable et je remercie les éditions « Chemin Vert » et le forum « Au cœur de l'imaginarium » pour ce partenariat.

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