samedi 14 mai 2016

Dimension Arnauld Pontier, d'Arnauld Pontier



Résumé
Pointe nord de l'île. Une bande de terre épaisse et graveleuse séparait en deux l'embouchure de l'ancienne rivière : d'un côté, s'étendait à perte de vue un amas de galets noirs et gluants, de l'autre, un vaste espace pratiquement asséché - ce qu'il restait du lit de l'Hudson River. Sur la rive, la même bande de terre rapportée serpentait jusqu'au pied de l'espèce de tour monumentale qui trônait là, seul relief encore visible sur l'île, ultime vestige d'un temps révolu depuis des millénaires...

En 27 nouvelles, de fantastique et de science-fiction, pour la plupart inédites, vous allez croiser le diable, rencontrer la Mort, visiter d'étranges planètes, contempler le futur, découvrir, aux aguets, derrière la banalité du quotidien d'inquiétantes forces et faire connaissance avec des espèces extraterrestres qui ne nous veulent pas forcément du mal... Car la magie de la nouvelle, c'est cela : en peu de mots vous proposer de multiples et imprévisibles voyages.

Arnauld Pontier a publié une dizaine de récits et de romans, en littérature générale comme en littérature de l'imaginaire ; il a également participé à plusieurs anthologies et a dirigé Dimension Système Solaire. En 2004, il a obtenu le prix Marguerite Yourcenar pour La Treizième cible. Son dernier roman, Agharta - Le temps des Selkies a été finaliste du prix Rosny Aîné 2014.



Mon avis 

Auteur de romans, récits, nouvelles et poésies, Arnauld Pontier a également dirigé l’anthologie de science-fiction Dimension système solaire.
On le retrouve avec sa propre anthologie Dimension Arnauld Pontier mêlant deux genres : science-fiction et fantastique.
Pour introduire celle-ci, il rappelle au lecteur de ne pas confondre la nouvelle avec une histoire courte. Elle possède ses particularités : courte, mais efficace, elle crée une atmosphère particulière, capture immédiatement le lecteur, son attention, contrairement au roman, qui le mène sur la longueur grâce au développement de son intrigue. L’intention et la lecture de ceux-ci sont donc différentes.
Philippe Ward, dans sa Post-face appuie l’idée de cette spécificité, et du plaisir de la lecture. Il témoigne du savoir faire de l’auteur, sur ce format et dans les « mauvais genres ». 

Dans son anthologie, l’auteur présente chaque nouvelle, les remet dans leur contexte : écrites selon l’inspiration ou pour un appel à textes, usant de thèmes qui lui tiennent à cœur.
Celles ci sont bien construites : l’auteur mise sur les classiques et apporte une atmosphère détaillée, claire et permettant l’immersion immédiate. S’il s’appuie sur les codes connus des lecteurs de science-fiction et de fantastique, il ne se laisse pas aller aux clichés, gardant sa touche personnelle. Il apporte un message, une idée, se pose sur une situation donnée, sur un moment, un instant précis.
Le lecteur se trouve vite happée par l’histoire, pour certaines plus que d’autres, selon ses goûts, ses préférences littéraires, mais chacune sait se montrer efficace, avec une écriture précise et claire.
Si l’auteur présente son intention, et les messages qu’il veut faire passer en introduction, il ne spoile pas pour autant, et arrive bien souvent à surprendre le lecteur malgré lui.
Les fins se présentent sous forme de chutes toujours soignées, et se concluent de manière plus ou moins efficace. Elles sont généralement noires, sombres et sans espoir, mais tombent parfois un peu à plat. Certaines nouvelles de l’anthologie m’ont scotchées plus que d’autres, même si toutes restent agréables à la lecture.

Arnauld Pontier trouve influences et inspirations dans diverses ressources. S’il s’appuie sur un mythe serbo-croate pour l’une de ses nouvelles, il sait aussi se servir des mythes et légendes conférant un statut et un pouvoir particulier aux chats ou aux hibou. Il s’attarde aussi sur le phénomène de l’effet papillon. S’il rend hommage à LovecraftJean RayPhilipe K Dick ou Boris Vian, il sait aussi s’inspirer du cinéma avec le filmPrédator. Les sources sont donc très variées et bien d’autres idées viennent alimenter son imaginaire et enrichir son univers.

Plusieurs thèmes ressortent dans l’anthologie.
L’homme s’y voit souvent puni pour sa stupidité (les guerres et conflits destructeurs, ses habitudes nocives, telle son avidité démesurée). Ce peut être la nature qui reprend ses droits suite aux conflits. Même les éléments peuvent se rebeller : l’eau, le sable. Des planètes vivantes les piègent pour satisfaire leurs propres intérêts, leurs propres besoins. Ce peut être également des créatures surnaturelles qui prennent leur revanches ou des extra-terrestres qui prennent le contrôle, envoûtent et créent des pièges élaborés. La prise de pouvoir peut se faire perfidement : une invasion facile sur le long terme qui mène à l’extinction de la race humaine. 
L’auteur exploite aussi le pouvoir de créatures jugées insignifiantes, faisant parti du quotidien, dont on ne conçoit pas la dangerosité : les chats (et leur don), les chiens (qui servent de catalyseur pour l’éveil des humains), le hibou (porteur de malédiction) et la femme charmante (mais fatale au double sens du terme). Les sceptiques avides et matérialistes voient leurs certitudes s’ébranler et en paient le prix. Ceux qui désirent croire goûtent à de réels moments de bonheur .
Le temps s’avère parfois un élément à part entière de la nouvelle. Manipuler et rembobiner le temps propose un éternel recommencement. Les boucles dans le temps sont autant de chances données, ou peut être un jeu à grande échelle, une expérience ? 
La quête d’identité se complexifie quand le corps se métamorphose, ou quand le clonage est en jeu : comment savoir se différencier entre modèle et clone. 

En conclusion, j’ai découvert dans l’anthologie Dimension Arnauld pontier, un univers qui lui est propre, des thématiques classiques mais traitées avec sa touche personnelle et souvent avec originalité. Le mélange science-fiction et fantastique m’a beaucoup plus. Si j’ai apprécié les nouvelles de manière inégale selon ma subjectivité, chacune est écrite et construite avec soin. 
Je remercie le forum Au cœur de l’Imaginarium et les éditions Rivière Blanche pour cette excellente découverte.

mercredi 11 mai 2016

Le Brasier, de Virginie Buisson-Delandre




Résumé

Vampire, mort-vivant, esprit maléfique ou autre aberration défiant la nature, le monstre reste une figure centrale de la littérature fantastique teintée parfois d’épouvante.
Mais le monstre n’est pas toujours celui auquel le lecteur s’attend...
C’est ce que ces nouvelles tendent à nous faire découvrir, chacune à sa manière, reprenant les sentiers battus du genre fantastique pour mieux nous emmener sur les chemins de traverse hantés par une folie latente, tapie dans l’ombre, qui n’attend que le moment propice afin de mieux se jouer des personnages trompés par des certitudes volant en éclat.

Mon avis

Virginie Buisson Delandre, déjà auteure d’autres nouvelles (publiées individuellement) inspirées par ses lectures fantastiques classiques, a également puisé dans ces influences pour écrire le recueil de nouvelles Le Brasier.

Le recueil reprend, pour chaque nouvelle, une formule assez classique et linéaire pour la construction du récit, mais de manière tout à fait efficace. La mise en place du fantastique se fait de manière progressive avec une entrée du surnaturel dans la réalité, et des informations dévoilées au lecteur de manière pertinente et judicieuse. Les personnages du recueil voient leur vie peu à peu bouleversée par des événements, amenant des perturbations surnaturelles, qui les capturent comme des proies dans une toile d’araignée, tissée à la fois sur le fond et sur la forme, par les fils du récit et par leur tourmenteur.

L’atmosphère est, dans ce sens, toujours mise en place avec grand soin, par la richesse des descriptions, des lieux et des émotions des personnages. On assiste, ici encore, à une progression dans la mise en place même du recueil. Chaque nouvelle plonge le lecteur toujours plus loin dans l’angoisse, et le mène même jusqu’au cauchemar. On frissonne avec des ambiances morbides, sombres, terrifiantes. On tombe ensuite dans le carnage avec plus de sang et de viscères vers la fin du recueil. Seule la dernière nouvelle pourrait sonner comme une fausse note dans cette répartition, misant plus sur une ironie sournoise. Le lecteur peut facilement s’immerger. Si la tension monte au fil de la lecture, l’attente se révèle d’autant plus grande au début de chaque nouvelle.
Les influences d’auteurs fantastiques classiques restent toujours présentes et certains sont même cités à titre de références dans la première nouvelle.

Le style de l’auteure contribue à l’immersion du lecteur par une plume fluide et un vocabulaire approprié. La lecture en est donc d’autant plus agréable.

Dans chaque nouvelle, on retrouve un thème commun : la frontière mince entre réalité et dimension fantastique (ou même démoniaque). Elle devient tellement floue qu’elle amène la perte de repères entre rêve et réalité, des doutes à la folie. Les victimes s’avèrent plus ou moins consentantes du sort qui les attend : poussées par l’ignorance, la malchance ou la folie ! Les narrateurs sont parfois témoins, parfois victimes de cette folie, ou de la cruauté et du sadisme de leur bourreau, car leurs ennemis surnaturels aiment jouer avec leurs proies, les torturer, les tuer à petit feu et ne s’en privent pas.

Les fins, même si elles varient, donnent aux lecteurs matière à réfléchir et à frissonner : le piège se referme inexorablement sur leur proie, comme sur le lecteur.

En conclusion : même si le recueil ne donne pas dans l’originalité, il prend ses sources dans la littérature fantastique. Son efficacité, la fluidité de son style le rendent agréable à la lecture. Chaque nouvelle diffère de la précédente, tout en possédant des thèmes communs. En effet, elles embarquent le lecteur dans des récits sombres et morbides. Je remercie le forum Au cœur de l’Imaginarium et les éditions l’Ivre-book pour cette agréable et effrayante lecture.