dimanche 18 septembre 2016

Les dames de Riprole T1: La Dame du Vallon Perdu d'Eve terrelon

La Dame du Vallon perdu.

Résumé

En l’an de grâce 1416, Isabelle, sœur désargentée du ténébreux Arnault de Riprole, prend la route pour rejoindre le château de son fiancé. Sujette à une guerre endémique, la campagne normande est peu sûre et le charroi se fait attaquer. Sauvagement molestée, Isabelle est secourue par Tristan, un chevalier errant. Reconnaissante, elle demande à son frère d’accueillir ce dernier au château, pour qu’il y passe l’hiver avec son écuyer. Le fief est pauvre et la vie s’organise entre les mystérieux déplacements d’Arnault et la passion de Béranger pour la musique. Découvrant peu à peu les blessures qui marquent cette famille, Tristan se sent l’obligation de veiller sur Isabelle.


Mon avis

Le récit se centre sur les deux protagonistes de la romance, Isabelle et Tristan. Eve Terrellon alterne les points de vue entre les deux personnages de manière immersive. Même si elle choisit la narration à la troisième personne, le ressenti, les émotions sont présentés avec précision et justesse. Le style fluide et élégant entraîne donc rapidement le lecteur dans le roman, dans la romance et dans l’histoire. En effet, le contexte historique influe de manière réaliste sur la vie des personnages principaux et secondaires.

Les deux personnages principaux, bien que peu nuancés, sont attachants et bien caractérisés. 
Isabelle, comme Tristan ont connu bien des épreuves dans la vie et celle-ci continue de ne pas les épargner. Tristan sauve Isabelle après qu’elle ait été victime d’une agression et d’un viol, alors qu’elle se rendait chez son futur époux pour un mariage de raison. De son côté, Tristan, chevalier, cache de lourd secrets et dissimule ses mystères derrière son titre et sa vie errante. 
Isabelle, marquée par les événements, se montre souvent courageuse et plutôt mature dans son comportement: entre douleur et honte, elle surmonte sa peine et ne se laisse pas abattre. Charmante, on ne peut qu’éprouver de la compassion pour son état, à l’instar de Tristan. Celui-ci, par contre, intrigue par ses non-dits, liés à une promesse, qu’on ne comprend que tardivement. Il ne manque pas de charme pour autant, comme tout vrai chevalier : courtois et attentionné, vite apprécié de tous.

La relation entre les deux amoureux se développe doucement. L’auteure prend le temps de nous conter l’approche et l’amitié qui les lie. Quand les sentiments deviennent plus affectueux, tout se complique entre eux, car le secret de Tristan dresse un mur infranchissable. Si il torture le jeune homme, il laisse Isabelle dans une incompréhension et une frustration qui lui demanderont beaucoup de patience. 
La romance s’appuie plus sur la tendresse, le respect et la complicité, ainsi que la difficulté de se rapprocher d’Isabelle et Tristan. La sensualité reste explicitement peu présente.

Les personnages secondaires sont également bien traités par l’auteure et enrichissent le récit. Tous possèdent un rôle utile: tuteurs, amis et confidents. Ils se rendent attachants par leur personnalité et leur caractère.
Les relations entre Isabelle et ses frères Arnault et Béranger s’avèrent intéressantes: Béranger doux et rêveur qui veut devenir ménestrel et Arnault qui doit assumer le rôle de seigneur et maître de la famille et dont la froideur, voire la cruauté, se teintent de tristesse et compassion dissimulées. Ce dernier souvent incompris, certainement seul, joue un peu le « méchant de l’histoire », bien malgré lui , parce que la vie n’a pas été tendre avec lui non plus et qu’il a à cœur de bien faire et d’assumer avec dignité ses fonctions: un personnage influent et charismatique.  

Le contexte historique explique bien des événements et comportements. Sans noyer le lecteur, Eve Terrelon met judicieusement en place l’Histoire dans le récit, dans sa façon de marquer la vie et le quotidien des personnages et c’est très appréciable.

En conclusion: Eve Terrelon exploite à merveille le contexte historique, utilisant les détails pertinents, qui donnent du réalisme au récit, ainsi que pour étayer la romance. Même si peu axée sur la sensualité, celle-ci fut très agréable à lire et à relire, avec des personnages attachants et justes. La belle plume de l’auteur y contribue également. Et, bonus non négligeable, la couverture est superbe !
Je suis en général difficile en matière de romance, mais celle-ci a su me toucher par sa sensibilité et sa simplicité. J’attaque de suite le deuxième tome avec grand plaisir !

mercredi 14 septembre 2016

Requiem pour âmes d'ombres de Jean Michel Archaimbault




Résumé

"La Fée Noire... Un vrai cancer mental !
Des ondes négatives et destructrices émanaient de ce monstre. Des vagues de terreur pure, glaciale, paralysante.
L'homme en était arrivé à un point que je ne connaîtrais jamais. Il ne savait plus sortir de l'impasse dans laquelle, en jouant, je l'avais conduit à s'enfermer. Il avait essayé de fuir en composant des images transfigurées, abstraites, pour tenter d'y voir plus clair en lui-même. Mais il n'en avait que replongé, et plus profond encore."

Soudain, l'été 1989. L'été d'incertitude…
Il peut suffire d'un rien à des hantises oubliées et à des fantasmes enfouis pour remonter à la surface. Alors, un désir inaccessible exige son aveu. Des rêves sûrement cryptés imposent leur récit. Des lieux connus depuis l'enfance demandent à se dévoiler dans le prisme d'un imaginaire parfois traumatique. L'envie de fuir n'importe où, hors du monde, cherche à s'exprimer dans toutes les nuances de l'angoisse ou de l'étrange. Puis tout un équilibre menace de se rompre.
Mais quel sera le terme de ce voyage au bout de la nuit ? Les ténèbres des abîmes, ou un chant de REQUIEM POUR ÂMES D'OMBRE... ?

Après Seentha, son space opera wagnérien, flamboyant et désespéré, voici Jean-Michel Archaimbault "plus noir que vous ne pensez" dans un tout autre registre.
Quinze textes de fantastique intimiste, sans monstres ni horreurs tangibles, où démons et merveilles surgissent de l'inconscient profond. Quinze perspectives ouvertes sur la fascination ou le vertige...




Mon avis

En ouvrant le recueil, j’ai eu la bonne surprise de trouver une préface écrite par Anne Guduël (la regrettée Gudule), dont j’ai découvert la plume avec « Dancing Lolita », extrait du « club des petites filles mortes ».
Elle nous parle de l’auteur « Jean Michel Archaimbault », de sa plume poétique, de son univers teinté d’irréalité: la frontière avec le réel reste toujours floue, celui-ci contaminé par les mondes imaginaires de l’auteur. Elle évoque sa plume poétique et sa subtilité, présentant les 15 nouvelles comme des « des échappées ». L’envie de commencer le recueil, comme un voyage onirique, s’installe à la lecture de cette préface savoureuse  et on a hâte de s’y plonger !

On sent les deux auteurs proches, liés par une « sensibilité jumelle ». Il me faudra dès que possible me lancer dans la lecture du « Club des petites filles mortes » également. (c’était déjà mon intention, mais me voilà d’autant plus motivée.)
Cette complicité littéraire se dévoile un peu plus dans le premier écrit : Petit fragment resté dans la pénombre, prélude initial actualisé et inédit au « Club des petites filles mortes ». L’auteur évoque le livre, Dancing Lolita entre autre et s’adresse à Gudule, pour faire écho à ses paroles, à leur complicité partagée. Un bel échange, une belle amitié.

Les nouvelles sont toutes présentées par l’auteur, qui y cite ses inspirations, ses influences (rêves, auteurs comme Lovecraft ou Dunsany et textes écrits pour un thème précis, pour une anthologie). Il nous accompagne le long des récits, nous invite et nous met à l’aise. On sent son investissement. Celui ci qui paraît d’autant plus personnel, car l’enfance, les souvenirs qui y sont liés, ainsi qu’une dose de nostalgie apparaissent dans certains écrits : à la lecture, on sent le vécu. La narration à la première personne accentue ce sentiment que souvenirs réels et imaginaires se côtoient, entre rêve et réalité.

Dans le recueil, on retrouve une narration bien maîtrisée, quel que soit le point de vue adopté, que ce soit à la première ou troisième personne. Jean Michel Archaimbault joue même avec ces points de vue, pour renforcer l’ironie par exemple dans La faute aux fusées.
Il sait également faire monter la tension dans ses récits, entraîner le lecteur. Les style y contribue aussi: riche, soigné et poétique, avec de belles descriptions, nombreuses, précises, parfois courtes, mais toujours efficaces. On vit le récit, on s’y projette, y plonge avec plaisir, surtout une fois que la réalité bien ancrée se trouble pour laisser entrer le fantastique.
A travers le thème de l’enfance, l’auteur fait parler son imaginaire, car c’est l’âge où tout est possible. Il se rappelle « le petit citadin à l’aise à la campagne ». Il fait parler ses fantasmes et peurs dans des lieux qui lui sont familiers depuis longtemps (très prégnants dans le recueil), ou d’autres qu’il a visité (Branwyn par exemple se déroule en Irlande): des lieux qui l’ont influencé et inspiré. Il se révèle à demi-mot, mais entrouvre des portes, où s’infiltre toujours réel et imaginaire.
Il utilise également avec brio les hasards, pour amplifier l’ironie du sort, mieux piéger ses victimes et le lecteur. Dans Jeux d’une âme d’ombre et Requiem pour âmes d’ombres (première et dernière nouvelle du recueil, deux parties d‘une même histoire), une âme damnée se fait prendre à son propre piège.

La frontière entre réel et imaginaire s’avère donc fragile, les récits oscillant entre merveilleux et angoisse (voire menace), selon la porte qui s’ouvre au lecteur. Parfois, l’entrée se fait dans notre monde, l’étrange s’invitant dans notre réalité, parfois, un passage s’ouvre entre deux mondes ou deux dimensions. L’auteur parvient même à les faire se chevaucher dans un angle, comme une fissure entre réel et invisible : le surnaturel peut investir notre monde, comme on peut y entrer ou se retrouver prisonnier. Entre échos d’autres époques, menaces provenant de personnages hostiles (comme la bête, le vampire psychique), on retrouve aussi les amis imaginaires, et d’autres personnages issus du folklore ou de l’imaginaire enfantin.

Beaucoup des nouvelles évoquent finalement la fuite d’une réalité peut être trop présente, et/ou de l’âge adulte. Que ce soit une fatalité ou un choix, l’invitation des mondes fantastiques semble trop tentante pour les personnages principaux et pour le lecteur qui profite de l’évasion.

La mise en place de l’atmosphère favorise cette échappée, en teintant d'imaginaire la réalité avec subtilité et légèreté. La dimension fantastique, le flou onirique introduits par l’auteur restent en effet crédibles, donnent envie d’y croire le temps d’une lecture, voire plus pour les rêveurs...
Seul petit bémol, la transition entre réel et quotidien semble parfois abrupte.

Le recueil se termine sur un article : Une Académie Pour Perry Rhodan, série de science-fiction qui tient particulièrement à cœur à Jean Michel Archaimbault et qui a su éveiller mon  intérêt.

En conclusion, j’ai retrouvé le style de Jean Michel Archaimbault avec grand plaisir. Quelle belle plume ! Le recueil m’a permis de le découvrir sous un autre format, la nouvelle, que j’ai bien apprécié. Si je devais citer ma nouvelle préférée, je citerai sans doute La fraternité de Molua et ses étranges créatures des lagune ou Dix de la masse critique, où les livres deviennent des personnages à part entière du récit, mais beaucoup d’autres me viennent à l’esprit. Entre rêve et  réalité, ce livre correspond bien au blog, car évidemment, j’ai aimé cette frontière invisible et fragile que l’auteur sait imposer, cet imaginaire qu’il laisse se déployer. Un recueil à découvrir !



Retrouvez d'autres chroniques des romans de Jean Michel Archaimbault sur ce blog :



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