mercredi 14 septembre 2016

Requiem pour âmes d'ombres de Jean Michel Archaimbault




Résumé

"La Fée Noire... Un vrai cancer mental !
Des ondes négatives et destructrices émanaient de ce monstre. Des vagues de terreur pure, glaciale, paralysante.
L'homme en était arrivé à un point que je ne connaîtrais jamais. Il ne savait plus sortir de l'impasse dans laquelle, en jouant, je l'avais conduit à s'enfermer. Il avait essayé de fuir en composant des images transfigurées, abstraites, pour tenter d'y voir plus clair en lui-même. Mais il n'en avait que replongé, et plus profond encore."

Soudain, l'été 1989. L'été d'incertitude…
Il peut suffire d'un rien à des hantises oubliées et à des fantasmes enfouis pour remonter à la surface. Alors, un désir inaccessible exige son aveu. Des rêves sûrement cryptés imposent leur récit. Des lieux connus depuis l'enfance demandent à se dévoiler dans le prisme d'un imaginaire parfois traumatique. L'envie de fuir n'importe où, hors du monde, cherche à s'exprimer dans toutes les nuances de l'angoisse ou de l'étrange. Puis tout un équilibre menace de se rompre.
Mais quel sera le terme de ce voyage au bout de la nuit ? Les ténèbres des abîmes, ou un chant de REQUIEM POUR ÂMES D'OMBRE... ?

Après Seentha, son space opera wagnérien, flamboyant et désespéré, voici Jean-Michel Archaimbault "plus noir que vous ne pensez" dans un tout autre registre.
Quinze textes de fantastique intimiste, sans monstres ni horreurs tangibles, où démons et merveilles surgissent de l'inconscient profond. Quinze perspectives ouvertes sur la fascination ou le vertige...




Mon avis

En ouvrant le recueil, j’ai eu la bonne surprise de trouver une préface écrite par Anne Guduël (la regrettée Gudule), dont j’ai découvert la plume avec « Dancing Lolita », extrait du « club des petites filles mortes ».
Elle nous parle de l’auteur « Jean Michel Archaimbault », de sa plume poétique, de son univers teinté d’irréalité: la frontière avec le réel reste toujours floue, celui-ci contaminé par les mondes imaginaires de l’auteur. Elle évoque sa plume poétique et sa subtilité, présentant les 15 nouvelles comme des « des échappées ». L’envie de commencer le recueil, comme un voyage onirique, s’installe à la lecture de cette préface savoureuse  et on a hâte de s’y plonger !

On sent les deux auteurs proches, liés par une « sensibilité jumelle ». Il me faudra dès que possible me lancer dans la lecture du « Club des petites filles mortes » également. (c’était déjà mon intention, mais me voilà d’autant plus motivée.)
Cette complicité littéraire se dévoile un peu plus dans le premier écrit : Petit fragment resté dans la pénombre, prélude initial actualisé et inédit au « Club des petites filles mortes ». L’auteur évoque le livre, Dancing Lolita entre autre et s’adresse à Gudule, pour faire écho à ses paroles, à leur complicité partagée. Un bel échange, une belle amitié.

Les nouvelles sont toutes présentées par l’auteur, qui y cite ses inspirations, ses influences (rêves, auteurs comme Lovecraft ou Dunsany et textes écrits pour un thème précis, pour une anthologie). Il nous accompagne le long des récits, nous invite et nous met à l’aise. On sent son investissement. Celui ci qui paraît d’autant plus personnel, car l’enfance, les souvenirs qui y sont liés, ainsi qu’une dose de nostalgie apparaissent dans certains écrits : à la lecture, on sent le vécu. La narration à la première personne accentue ce sentiment que souvenirs réels et imaginaires se côtoient, entre rêve et réalité.

Dans le recueil, on retrouve une narration bien maîtrisée, quel que soit le point de vue adopté, que ce soit à la première ou troisième personne. Jean Michel Archaimbault joue même avec ces points de vue, pour renforcer l’ironie par exemple dans La faute aux fusées.
Il sait également faire monter la tension dans ses récits, entraîner le lecteur. Les style y contribue aussi: riche, soigné et poétique, avec de belles descriptions, nombreuses, précises, parfois courtes, mais toujours efficaces. On vit le récit, on s’y projette, y plonge avec plaisir, surtout une fois que la réalité bien ancrée se trouble pour laisser entrer le fantastique.
A travers le thème de l’enfance, l’auteur fait parler son imaginaire, car c’est l’âge où tout est possible. Il se rappelle « le petit citadin à l’aise à la campagne ». Il fait parler ses fantasmes et peurs dans des lieux qui lui sont familiers depuis longtemps (très prégnants dans le recueil), ou d’autres qu’il a visité (Branwyn par exemple se déroule en Irlande): des lieux qui l’ont influencé et inspiré. Il se révèle à demi-mot, mais entrouvre des portes, où s’infiltre toujours réel et imaginaire.
Il utilise également avec brio les hasards, pour amplifier l’ironie du sort, mieux piéger ses victimes et le lecteur. Dans Jeux d’une âme d’ombre et Requiem pour âmes d’ombres (première et dernière nouvelle du recueil, deux parties d‘une même histoire), une âme damnée se fait prendre à son propre piège.

La frontière entre réel et imaginaire s’avère donc fragile, les récits oscillant entre merveilleux et angoisse (voire menace), selon la porte qui s’ouvre au lecteur. Parfois, l’entrée se fait dans notre monde, l’étrange s’invitant dans notre réalité, parfois, un passage s’ouvre entre deux mondes ou deux dimensions. L’auteur parvient même à les faire se chevaucher dans un angle, comme une fissure entre réel et invisible : le surnaturel peut investir notre monde, comme on peut y entrer ou se retrouver prisonnier. Entre échos d’autres époques, menaces provenant de personnages hostiles (comme la bête, le vampire psychique), on retrouve aussi les amis imaginaires, et d’autres personnages issus du folklore ou de l’imaginaire enfantin.

Beaucoup des nouvelles évoquent finalement la fuite d’une réalité peut être trop présente, et/ou de l’âge adulte. Que ce soit une fatalité ou un choix, l’invitation des mondes fantastiques semble trop tentante pour les personnages principaux et pour le lecteur qui profite de l’évasion.

La mise en place de l’atmosphère favorise cette échappée, en teintant d'imaginaire la réalité avec subtilité et légèreté. La dimension fantastique, le flou onirique introduits par l’auteur restent en effet crédibles, donnent envie d’y croire le temps d’une lecture, voire plus pour les rêveurs...
Seul petit bémol, la transition entre réel et quotidien semble parfois abrupte.

Le recueil se termine sur un article : Une Académie Pour Perry Rhodan, série de science-fiction qui tient particulièrement à cœur à Jean Michel Archaimbault et qui a su éveiller mon  intérêt.

En conclusion, j’ai retrouvé le style de Jean Michel Archaimbault avec grand plaisir. Quelle belle plume ! Le recueil m’a permis de le découvrir sous un autre format, la nouvelle, que j’ai bien apprécié. Si je devais citer ma nouvelle préférée, je citerai sans doute La fraternité de Molua et ses étranges créatures des lagune ou Dix de la masse critique, où les livres deviennent des personnages à part entière du récit, mais beaucoup d’autres me viennent à l’esprit. Entre rêve et  réalité, ce livre correspond bien au blog, car évidemment, j’ai aimé cette frontière invisible et fragile que l’auteur sait imposer, cet imaginaire qu’il laisse se déployer. Un recueil à découvrir !



Retrouvez d'autres chroniques des romans de Jean Michel Archaimbault sur ce blog :



Afficher l'image d'origine   Seentha   


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