Résumé:
Quoi de commun entre Isabelle de France et Mme Pierre Loti, entre la princesse Palatine et Mme Verlaine, entre Elsa Triolet et la duchesse de Windsor ? Elles ont toutes épousé un homosexuel !
Bien avant l’ère de la tolérance et de l’acceptation, les homosexuels, pour la plupart, ont également vécu une pratique hétérosexuelle pour ne pas risquer l’opprobre et par souci d’assurer la transmission du nom et de l’héritage. L’Histoire en parle peu, et tait bien souvent les réactions des épouses de « convenance » choisies pour faire écran… Ces femmes-alibi qui ont traversé l’Histoire auprès de certains de nos grands hommes, Michel Larivière en brosse ici le portrait très documenté. Autour de 16 couples célèbres, autant de destins et de parcours différents qui dévoilent au public bien des pans de l’Histoire trop souvent passés sous silence dans les manuels officiels, mais ô combien passionnants et éclairants…
Depuis 1982, Michel Larivière se consacre pleinement à ses recherches sur l’homosexualité. Il a déjà fait paraître de nombreux ouvrages sur le sujet : Les amours masculines, 1984, Pour tout l’amour des hommes, 1998, et plus récemment Les Amours masculines de nos grands hommes à La Musardine, qui de Jules César à Michel Foucault brossait 66 portraits d’homosexuels et bisexuels célèbres.
Mon avis:
Le livre « Femmes d’homosexuels célèbres » de Michel Larivière , publié chez La Musardine, est un documentaire, comme son titre l’indique, consacré aux femmes, dont le mari s’avère être homosexuel. La couverture affiche également la couleur : ce sont les femmes qui sont à l’honneur et d’elles dont on va parler, même si évidemment l’auteur évoquera, par la force des choses, la vie de leur mari.
Le livre se dévoile de manière claire. Michel Larivière annonce en introduction son fil conducteur, présente la cohérence qu’il suivra pour étudier chaque couple et en fait une synthèse en conclusion. Si chacune de ces femmes possède une expérience différente, bien des points communs apparaissent au fil de la lecture, et les points de divergence sont bien mis en valeur.
Entre introduction et conclusion, chaque couple fait l’objet d’un chapitre, chaque partie étant clairement définie : au début, les deux époux sont présentés (noms date de naissance et de décès), accompagnés de leur photo. L’époque contemporaine n’est pas évoquée dans le livre, mais de nombreuses célébrités passées y apparaissent (artistes, écrivains, poètes, princes etc…).
Le tout se présente en respectant l’ordre chronologique, permettant de comprendre l’évolution des mœurs, même si celles-ci condamnent l’homosexualité (point essentiel dans le livre, car on découvre bien des mariages de convenance, tout au moins du point de vue du mari). Le moyen âge apporte son lot de mariages arrangés, les mariages de convenance sont nombreux aussi, mais cela n’empêche pas les femmes d’être amoureuses de leur mari. Parfois, ces femmes connaissent leurs préférences avant le mariage, s’imaginent pouvoir le convaincre, d’autres ne les connaissent pas et, amoureuses, découvrent cette mauvaise surprise après leur union. Plus rare, et plus proche de notre époque, on retrouve un mariage d’arrangement des deux côtés, la femme cachant sa propre préférence pour les femmes : le mariage y devient une couverture idéale, qui arrange les deux partis.
Le plus souvent, on retrouve des femmes négligées par leur mari, malheureuses, désirant sauver malgré tout leur couple : mission impossible, on s‘en doute bien. L’auteur évoque un seul mariage qui fonctionne (l’homme étant bisexuel), mais c’est bien le seul.
Les situations diffèrent selon le comportement de l‘époux, plus ou moins chaleureux, violent ou gougeât. L’humiliation du rejet, de la réputation du couple et du mari (souvent peu discret et peu soucieux de leur femme et des rumeurs qui courent, même s‘ils se sont mariés pour répondre aux convenances de la société.), n’enlèvent pas la dignité de ces femmes. Pour la plupart, elles adoptent une attitude bienveillante et compréhensives, malgré leur tristesse. Elles essaient de surpasser leur mal-être, avancent de leur côté, s’isolent ou au contraire brillent par leurs qualités, voire leurs talents artistiques. L’une d’entre-elles, par contre, se montre particulièrement cruelle dans sa vengeance (mais elle reste un cas à part). On remarque que les situations sont plus tristes, presque cauchemardesques, quand on remonte dans le temps (vers le Moyen Âge). L’auteur a d’ailleurs évoqué dans son introduction la misogynie prononcée, qui existe pendant l’antiquité : la femme n‘est considérée que comme une mère, celle qui donne naissance, mais à laquelle le mari ne doit pas donner de plaisir et dont il ne doit pas tomber amoureux.
Si Michel Larivière décrit avec précision l’influence et le pouvoir des couples et même de leur famille, sur les décisions et mariages, mais également les émotions des femmes concernées, c’est qu’il s’est appuyé sur des sources précises : lettres et échanges écrits, journaux intimes, confessions et témoignages écrits des femmes sur leur vie, leur vie de couple, généralement leur solitude et leur mélancolie.
Ces sources solides sont citées à la fin du livre et on comprend le travail de recherche que l’auteur a effectué et la véracité, le réalisme qu’il a apporté à ses récits, grâce à elles.
Les récits sont proposés dans un style fluide et clair, de manière plaisante. On se laisse porter au fil des récits, on comprend l’émotion de ces femmes, leurs bonheurs, leurs malheurs. La lecture s’avère donc fort enrichissante et fort plaisante. On voit facilement le fil directeur se dessiner à travers eux et la conclusion apporte une analyse qui complète les impressions éprouvées à la lecture, à partir des informations données.
La cohérence est donc bien en place.
Je remercie le forum Au cœur de l’Imaginarium et les éditions La Musardine pour cette lecture plaisante et enrichissante.
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