dimanche 15 mars 2015

Le monde de Marcelo de Francisco X. Stork // Challenge: we need diverse books//


Le monde de Marcelo de Francisco X. Stork



Résumé

À dix-sept ans, Marcelo Sandoval n'est pas un adolescent comme les autres. Atteint d'une forme d'autisme, il est beau, très intelligent, obsédé par certains sujets dont il connaît tout, mais ne sait pas communiquer avec les autres, se déplacer sans plan ou encore, draguer une fille. Parce qu'il pense que Marcelo peut se rapprocher de la "normalité" en s'y confrontant, son père l'embauche pour l'été dans son cabinet d'avocats. Au service courrier, Marcelo rencontre la belle Jasmine qui va le chapeauter. Il découvre aussi la compétition, la jalousie et tombe sur la mystérieuse photo d'une fille au visage affreusement mutilé...
Roman d'amour, drame judiciaire, roman d'apprentissage aux multiples enseignements, «Le monde de Marcelo» fait du bien à l'âme.


Meilleur roman - Jeunes adultes et meilleur héros de roman de 2009 (Publishers Weekly - USA).





Mon avis


Se plonger dans le roman, c’est réellement se plonger dans le monde  de Marcelo, comme nous le laisse entendre le titre. Une narration à la première personne maîtrisée et immersive nous entraîne dans sa vie et dans sa tête, nous fait envisager les choses sous son angle et nous aide à  saisir sa propre logique. Même si sa façon de raisonner ne parait pas toujours simple, elle est pourtant toujours cohérente et efficace. Celle ci est simplement différente, puisque Marcelo est atteint d’une forme d’autisme.

Marcelo s’avère vite un personnage frais et attachant, quoique têtu et pas très sûr de lui, ce que l’on peut difficilement lui reprocher vu le comportement de certains adultes à son égard. C’est un jeune homme serein, tant qu’on ne touche pas à son quotidien, constitué d’évènements rituels et routiniers. Marcelo a une idée bien précise de son futur proche: travailler l’été qui arrive dans les écuries Paterson, où il étudie actuellement et qui lui ont permis de beaucoup progresser, puis y trouver ensuite un travail à la rentrée. C’est un lieu où il se sent bien, où on ne l’expose pas au regard extérieur, où sa différence n’est pas un souci. Pourtant, son père en  a décidé autrement et va contrecarrer son beau programme.

Si sa mère comprend la différence de Marcelo et semble l‘accepter comme faisant parti de la personnalité de son fils, son père, par contre, ne veut pas croire à cette différence. Il veut la voir se résorber, maintenant que Marcelo a bien progressé (suite au travail effectué à Paterson). Il veut que son garçon soit normal. Pour cela, il lui propose de s’inscrire au collège à la prochaine rentrée et lui demande de travailler dans son cabinet d’avocat pour obtenir sa première expérience professionnelle.
Même si on saisit la volonté de bien faire du père, qui souhaite sans doute le bonheur de son garçon, il cherche avant tout à se rassurer dans son rôle de père. Et pour que son fils puisse le satisfaire, il faut que Marcelo passe par la case « être comme les autres ». On se demande si sa façon de bousculer son garçon dans ses habitudes et dans ses projets vient vraiment d’une intention l’aider ou s‘il ne cherche pas à faire de lui tout simplement « le garçon dont il pourrait être fier». Il y a un côté cruel et antipathique chez lui, mais là est la clé de l’histoire et des aventures de notre héros.
Devant la vive réticence de son garçon à se plier à ses projets, le père lui propose un marché : si Marcelo fait ses preuves pendant son travail d’été au cabinet, il lui laissera choisir ce qu’il fera à la rentrée.
Le père espère que cette nouvelle expérience amènera son fils à côtoyer de nouvelles personnes, des personnes qu’il considère comme « normales » contrairement aux enfants de Paterson et que par conséquent Marcelo aura envie d’élargir ses horizons. Il veut donc le voir changer, au risque même de lui faire perdre ses amis et sa vraie personnalité. 
Marcelo voit dans ce contrat la possibilité, certes retardée, mais toujours possible, de rejoindre les écuries Patterson, comme il l’a toujours voulu.

L’arrivée de Marcelo dans le cabinet va chambouler beaucoup de choses pour lui. Il était installé dans un certain confort routinier et familier. Là, tout devient une épreuve, même la plus simple des actions. Toute interaction avec les autres,  tout travail à effectuer, représente un réel défi. Le monde de Marcelo se confronte subitement et violemment à la réalité.
Même si Marcelo éprouve des difficultés à s’adapter et s’il lui faut du temps, toujours plus de temps que les autres, il procède à sa façon en adéquation avec lui même. A aucun moment, il ne renonce à lui-même, à sa différence, à sa propre logique. Elle fait partie de lui, même si elle le rend anormal aux yeux des autres. Il en a conscience, l’accepte, l’exploite avec lucidité, car Marcelo possède sa propre intelligence, sa propre analyse et  interprétation des situations et des événements, mais aussi sa propre sensibilité. C’est même ce fonctionnement de pensée spécifique, qui marque sa personnalité et fait de lui une personne juste, équilibrée et très attachante, voire adorable par moments.
Les relations de Marcelo sont toujours biaisées du fait de son autisme. Le regard des autres varie bien sûr, mais il reste toujours avant tout « Marcelo l’autiste », et même « l’idiot » pour certains, avant d’être Marcelo tout court et c’est cette façon d’être et de réagir vis-à-vis de lui qui va amplifier ses difficultés à communiquer. Seule, Jasmine, la secrétaire qui va le prendre sous son aile pour son travail au cabinet, s’adressera à lui en toute franchise, comme elle le fait avec tout le monde. Elle ne se gêne pas au départ pour lui transmettre son mécontentement et elle lui dira toujours la vérité, même au risque de le blesser. Elle ne s’embarrasse pas de faux-semblants et mieux vaut ne pas la mettre en colère. Marcelo en prend vite conscience et s’applique pour ne pas la décevoir. Son entrée à Paterson en dépend et il apprécie aussi de savoir à quoi s’en tenir avec elle. Ils communiquent ainsi plus facilement. Jasmine va même peu à peu entrer en phase avec sa façon de penser. Il s’apprivoisent l’un, l’autre et apprennent à se respecter et s’apprécier.
Les autres membres du cabinet sont loin d’être aussi transparents que Jasmine. Il y a  ceux qui montrent leur vrais visages et se montrent méprisants, moqueurs ou simplement méchants (et imbéciles…), Marcelo les évite au maximum. Et il y a également ceux qui manipulent, jouent de l’ironie, pensent pouvoir se servir de lui, et ceux-là sont plus difficiles à cerner pour lui, car il ne comprend pas l‘utilité du mensonge et de la fourberie. Il sera alors amené à réfléchir à plus d’une situation , à juger ce qui lui semble bien ou non et souvent soumis à des choix à faire.
La découverte de la photo d'une jeune fille défigurée et l’enquête qu’il mènera pour la retrouver, vont bousculer encore plus son monde et le confronteront à l’une des décisions les plus difficiles de sa vie. 

Pourtant Marcelo réagit toujours en fonction de ce qui lui semble juste,.
Il laisse les chamboulements influer sur son monde, que ce soit en bien ou en mal et en tire les leçons conséquentes: il apprend à quitter son confort égoïste, à affronter l’extérieur, cette réalité si peu en phase avec son monde : il grandit et gagne en maturité. Son fonctionnement de pensées va s’enrichir de nouvelles sensations, de nouvelles façons d‘appréhender le monde extérieur (même si celui ci restera toujours source d’agression et d’angoisse) , de manière plus nuancée. Il acquiert aussi de nouvelles  relations, et de nouveaux projets. 
Cette expérience professionnelle s’avère donc, comme son père l’a prévu, une possibilité d’élargir ses horizons, mais certainement pas de la façon dont il s’y attendait. Elle s’accompagne de bien des surprises, pas toujours réjouissantes, mais finalement positives pour notre Marcelo.

Quand les choses le dépassent, Marcelo a une technique personnelle bien au point pour trouver un refuge, sa propre bulle: il cherche sa musique personnelle, disponible par et pour lui seul,  aux variations qui lui sont propres. Il appelle cela son état de « remémoration ». C’est le terme qu’il emploie pour communiquer son état avec sa mère et ses proches. Donc l’état de remémoration fonctionne comme un jardin secret qui lui sert de refuge, lui permet de se calmer et peut s’atteindre, en ce qui le concerne, par la récitation des écritures saintes. Ce n’est pas que Marcelo  soit un grand croyant, mais il s’intéresse à toutes le religions, y cherche les différences et points communs, se sert des écritures de l’une ou l’autre des religions pour analyser, comprendre une situation qui lui échappe, et en discuter avec son amie. Cette exploitation ponctuelle et sélective des écritures saintes et de la religion m’a semblée fort intéressante. 

Dans le monde de Marcelo, le sujet de l’autisme est abordé avec naturel et justesse: sans chercher à tomber dans les grandes explications, justifications ou démonstrations, ou de l’inaptitude des uns ou des autres à s’adapter l’un à l’autre. Il véhicule plutôt un message de compréhension de l’autre, et du premier pas que l’on peut faire l’un vers l’autre.
Le style fluide et immersif, nous permet d’entrer dans la tête de Marcelo et de comprendre son raisonnement, mais on ne peut s’empêcher de s’identifier à la personne qui se trouve face à lui également : réagirait-on pareil ? Que ferions nous à sa place ? Que serait-il plus juste de faire ? Cette réflexion que l’on soit dans la peau de Marcelo ou face à lui, ce va et vient dans les deux rôles est extrêmement enrichissant, car il permet de mieux le comprendre et de mieux se comprendre.
Après, il est évident que Marcelo est un personnage, une personne singulière, dont on ne peut faire le modèle pour toute personne souffrant d’autisme et que l’on peut être amené à rencontrer. Il existe différentes formes et degrés dans l’autisme et chaque personne possède sa propre personnalité. Pourtant, le roman nous montre une démarche de tolérance à adopter pour essayer de comprendre l’autre, malgré sa différence, en comprenant son fonctionnement propre de pensée. Car cette personne n’est pas moins intelligente, elle l’est autrement. Par exemple dans le roman, Marcelo est capable d’emmagasiner tellement d’informations et de détails, qu’il a parfois du mal à les analyser et les traiter, mais une fois qu'il trouve la réponse à sa question, il ne se trompe jamais. Ce n’est pas non plus une personne hors d’atteinte. Il suffit de faire preuve de patience et de compréhension et de faire un pas vers elle, pour que le lien se fasse. C’est une personne qui nous respectera si on la respecte, au-delà de tout préjugé, sans la considérer comme une personne malade ou anormale. Cette personne est différente, mais ne sommes nous pas tous différents ? Notre point commun reste l’humanité, à nous d’en faire preuve.

En conclusion, Le monde de Marcelo est un roman intelligent et sensible, qui m’a apporté tellement en une seule lecture…et que je relirai, car je suis sûre qu’il me reste encore beaucoup à découvrir ! J’ai adoré vivre cette aventure du point de vue de Marcelo, explorer son monde, et le voir évoluer peu à peu. La fin est tout simplement sublime: juste, simple et émouvante. Ce fut donc, vraiment une belle découverte, réalisée grâce aux conseils et suggestions judicieux du site « We need diverse books ». J’espère que les autres romans proposés, et qui ont rejoint ma Pal, m’offriront la même intensité et autant d’émotion !




1/25


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