dimanche 21 juin 2015

Sang blanc, de Noémi Krynen


Résumé

Alors qu'une série de meurtres teinte de rouge la si belle campagne enneigée du Vercors, Édouard, dentiste, revient dans son village après la mort de ses parents. Il y retrouve Renaud, un vieil ami d'enfance, et se lie avec Anna, une jeune serveuse.
Édouard pensait connaître ses parents, mais il n'est pas au bout de ses surprises... Ce séjour qui ne devait être qu'une simple formalité administrative va peu à peu glisser vers l'abîme du passé et bouleverser définitivement son avenir...

Mon avis

Bien que Sang blanc soit le premier roman de Noémi Krynen, l’auteure fait preuve d’une maîtrise appréciable de son récit et de son intrigue et offre au lecteur un thriller haletant.

Le roman débute à la troisième personne, dans une boîte de nuit, où des jeunes filles sont venues passer du bon temps. La narration, un peu confuse au départ, nous permet vite de comprendre les tenants et aboutissants de l’histoire tragique de l’une d’entre-elles. 
Ce récit apparaît dans le roman coupé en courts passages toujours écrits à la troisième personne. Mené en alternance avec une narration à la première personne, celle-ci plus longue et plus élaborée, il ponctue le roman et s’avère d’une grande importance.
La narration à la première personne met en scène un dentiste à l’apparence sans histoire, qui revient dans son village natal après la mort de ses parents, pour assister à leur enterrement et ranger leur maison, avant d’envisager de la vendre. Le ton se révèle juste et entraînant.

L’alternance entre ces deux types de narrations permet de faire le lien entre les événements passés (l’histoire de Cassandra) et les faits présents, ceux du narrateur (notre dentiste). Un lien apparaît même avec la mort de ses parents et avec les meurtres atroces qui frappent dernièrement la région.
Les fils de l’intrigue s’entremêlent, puis se démêlent un à un, en dévoilant un peu plus les uns sur les autres. L’avancée dans ses différentes sous-intrigues permet au lecteur d’assister à leur évolution en même temps que le narrateur. Seul le récit concernant Cassandra lui échappe totalement et ce de manière cohérente pour l’avancement de l’intrigue.

Le style agréable entraîne le lecteur dans un récit bien mené et équilibré, avec des descriptions précises et justes, des dialogues naturels et crédibles.
Les atmosphères sont travaillées également avec soin. Un mystère tantôt malsain, tantôt effrayant s’installe vite. Entre ambiance froide, réalité morne, malsaine, voire souillée par des meurtres atroces, mais aussi par les sensations du narrateur, le sentiment de malaise s’installe peu à peu et s‘accentue au fil des révélations. Les cauchemars du personnage principal, les réactions soudaines et froides du père à présent disparu, laissent entrevoir quelque chose de tapi au fond de son cerveau, prêt à surgir et à ternir la vie du respectable dentiste.

L’intrigue peut paraître simple, mais ses différentes facettes sont parfaitement maîtrisées, cohérentes et menées avec efficacité.
Le roman se lit très vite : les pages se tournent avec l’envie teintée de crainte d’en savoir toujours plus. L’auteur nous tient en haleine jusqu’au bout du roman. Le dénouement final s’avère intéressant et logique, à défaut de surprendre vraiment le lecteur.

Les personnages sont aussi bien campés. On retrouve bien sûr le gentil dentiste, ses anciens copains menant une vie plus ou moins convenable (Renaud le proxénète du dimanche avec son bar de filles, le facteur). Anna, la séduisante serveuse, dévoile peu à peu ses secrets, se montrant tantôt tendre et enjouée, tantôt glaciale et déterminée. Elle apporte une touche de féminité et de sensualité. Le commissaire, en charge de l’enquête sur les meurtres perpétrés dans la région, possède également son lot de secrets bien cachés.
Les personnages sont donc travaillés et répondent à des stéréotypes précis, mais ne manquent pas de nuances.
Mon seul bémol concerne le déclic un peu brutal chez le narrateur et son changement brusque de personnalité. Il fait alors preuve d’une mauvaise foi, dont on n’est pas coutumier avec lui. Quelle est sa véritable identité ? L’auteure ne s’épanche pas sur ce point crucial, qui interpelle pourtant le lecteur.

En conclusion : Noémi Krynen a réussi à m’entraîner dans son thriller à un rythme trépidant. Je l’ai dévoré en quelques heures, séduite par son efficacité et son style fluide. Je remercie les éditions Taurnada et le forum Au cœur de l’imaginarium pour cette belle découverte.

samedi 13 juin 2015

Un selFFFHie pour la SFFFH

Comprendre un selfie pour la Science fiction, le fantastique, la fantasy et l'horreur francophone, action menée par "l'Invasion des grenouilles"

Il y en a quelques unes, la SFFFH francophone est bien représentée dans ma Bibliothèque...


Deux livres extraits de l'étagère de mon garçon (lus quand il était plus jeune)
Il y a un message écolo en prime, donc très sympa. Il a adoré !


L'indispensable encyclopédie, que mon garçon feuillette bien souvent pour compléter sa 
culture fantastique !


Quelques livres que je n'ai pas lu depuis longtemps. Il faudrait que je relise Ji un jour:
ma première sage fantasy francophone !


Un beau livre à feuilleter...


Toujours dans l'étagère de mon garçon. Enfin, il a piqué Krine dans la mienne et je vais bientôt 
me faire 14-14, que je n'ai pas encore eu le temps de lire.


Ma pal immédiate, qui va bientôt rejoindre ma pal de trésors.

 Pile de trésors 1
Mes Rivière blanche en bas de pile <3, La horde de contrevent évidement et d'autres coups de cœur.
Il me reste à découvrir les Loups de Riverdance...


Pile de trésors 2
Mes éditions du Riez, American fays et l'elfe rouge que je viens de finir et que j'ai adoré !
Mes deux tomes de "La dernière terre" et mes deux livres de Pierre Pevel (je pense acheter les trois qui viennent de sortir pour harmoniser, dès que je pourrai)


Ma pile de trésors 3
Avec en moitié de pile supérieure mes Voy'el, et Lune mauve dont je dois
me procurer le tome 2 sous peu (lecture de vacances idéale)
Une affection particulière pour L'enfant des cimetières qui m'a fait découvrir Sire Cédric
pour Les yeux d'opale, dont j'ai hâte de pouvoir lire la suite.
Et Cytheriae ! Mon premier livre de Charlotte Bousquet dont j'adore la plume !

et...

Ma lecture en cours.

Je possède une bibliothèque numérique plus fournie encore ! 
Je manque de temps donc je me limiterai à ceux ci ^^.

Let the Sky Fall, de Shannon Messenger



résumé

Vane Weston n’a aucun souvenir de l’ouragan qui a coûté la vie à ses parents quand il était enfant. Il a oublié tout ce qui a précédé ce drame, jusqu’aux moindres détails de sa vie. Son seul souvenir, c’est celui du visage d’une jeune fille, qui lui rend d’ailleurs visite régulièrement en rêve. Le mystère de son identité le ronge depuis dix longues années, quand l’inconnue est enfin forcée de se démasquer : Audra est une sylphe, une créature onirique liée au vent. Elle avait pour mission de veiller sur lui, mais elle vient de commettre une terrible erreur. Désormais, c’est le destin funeste qui a frappé ses parents qui attend Vane… À moins d’un miracle ! Combattante aguerrie, Audra va puiser dans leur histoire personnelle commune des trésors de courage et d’ingéniosité pour tenter de renverser le destin…

Shannon Messenger fait une nouvelle fois la preuve de son immense créativité en tissant pour ses personnages capables de dompter le vent tout un univers inconnu des humains, avec ses rites, sa hiérarchie


Mon avis

(avertissement: analyse que j'ai voulu complète tant le livre est riche et intéressant, donc quelques spoilers possibles)

Shannon Messenger, auteure de la trilogie « Let the sky fall » a aussi à son actif la série «  Gardien des cités perdues », publiée également par les éditions Lumen et critiquée sur le forum « Au cœur de l’imaginarium » dans le cadre d’un partenariat. 

Dans ce premier tome, on découvre Vane, un adolescent à la vie banale, dont la seule particularité se résume à un passé de rescapé. Il a en effet survécu à une tornade, mais y a malheureusement perdu ses parents. Il ne garde aucun souvenir de sa famille et de sa vie d’avant, si ce n’est le visage d’une fillette qui le hante depuis tout ce temps.
En adolescent épanoui, Vane s’adonne aux jeux vidéo, sort avec ses copains. Bref, rien d’extraordinaire. Son seul problème, ce sont les filles. Impossible d’échanger ne serait-ce qu’un baiser avec les jeunes filles qui lui plaisent. Il faut toujours qu’un imprévu vienne gâcher toute tentative. Ces mésaventures prêtent d’ailleurs à sourire. La dernière, à laquelle nous assistons à la lecture du roman, se finit aussi lamentablement que les précédentes, quand un vent glacial le pousse hors d’atteinte des lèvres de sa dulcinée. Cet incident techniquement impossible, puisqu’il n’y avait aucune miette de vent ce soir là, vient bousculer ses habitudes et provoquera de nombreuses conséquences, introduisant dans sa vie Audra, la mystérieuse jeune fille dont le visage a si souvent habité ses rêves, mais aussi une menace qu’il n’est pas préparé à affronter. La jeune femme prétend être, tout comme lui, une sylphe, élémentaire du vent ou tout simplement « maître du vent ».
Des vents magiques et un ange gardien, sylphe et maîtresse du vent. C’en est trop pour Vane, qui lutte pour rester ancré à la réalité, en rejetant les propos farfelus de la jeune fille. 
Sa réaction semble légitime et crédible. Les personnages se posent sur de bonnes bases en ce début de roman et ne manquent pas de profondeur. 
Audra doit quant à elle accomplir sa mission de gardienne en protégeant Vane et en provoquant son éveil aux vents. Il s’agit de développer ses pouvoirs, afin de lui faire endosser ses responsabilités. Dernier sylphe de l’ouest (ceux-ci ont été massacrés, car ils refusaient de dévoiler leur langage du vent à Raiden leur ennemi), il possède un rôle à double tranchant face à un enjeu de taille. Soit, il se fait capturer pour dévoiler le langage du vent de l’ouest à Raiden, qui souhaite maîtriser les quatre vents et devenir invincible et tout-puissant. Soit, il s’éveille aux quatre vents, en apprenant les trois maîtrisés par Audra, ceux ci s’ajoutant au sien, afin de cumuler une puissance suffisante pour se mesurer à l’ennemi. Pourtant, un problème réduit vite ses espoirs à néant, puisque ses parents ne lui ont pas appris le langage du vent. Audra n’a donc pas d’autre choix que de l’entraîner pour le combat à venir et d’envisager son propre sacrifice pour le remporter. 

Dans le roman, la magie du vent apparaît multiple et subtile. Son contrôle implique de délaisser ce qui rattache le sylphe à la terre (eau et nourriture) et qui l’affaiblit. Un gardien ou un bon combattant se passe de ces plaisirs terrestres, sous peine de devoir sacrifier leurs particules terrestres en se libérant de ces attaches, lors de leur communion avec le vent. Seuls restent alors des lambeaux d’âme, qui ainsi libérés, se mêlent aux vents.
L’auteure aborde donc une utilisation et une étude approfondie du vent sous ses différentes facettes, explore ses possibilités (vent associé à une musique, permettant de communiquer, agissant sur les humeurs, permettant de voler ou de créer des armes). Il ne s’agit pas réellement de magie, comme pourraient le penser les humains, mais d’une union avec le vent, une complicité telle qu’elle permet de le façonner à volonté.
Le style imagé de Shannon Messenger, qui s’adapte aux caprices du vent, ainsi que les descriptions bien décrites et approfondies traduisent parfaitement les phénomènes, émotions et sensations liés aux vents. La terminologie adoptée, les métaphores, et le champs lexical, bien développés, se sont avérés très intéressants et agréable à la lecture.
Les possibilités liées au vent sont clairement énoncées (l’auteure les évoque avec franchise sans sur-jouer du mystère et d'une magie réservée aux initiés), cohérentes et intégrées dans le récit sans l’alourdir.
L’auteure pense également à contrebalancer ce pouvoir en lui attribuant un revers de médaille: se sacrifier une fois que l’on s’est affaibli (en prenant une forme éthérée) en est un aspect, mais il peut aussi s’avérer dangereux de céder à l’appel du vent (l’esprit quitte le corps, séduit par cet appel et s’y noie).

L’univers évoqué semble tout aussi riche avec des personnages aux rôles simples, bien déterminés et précis : les veilleurs et gardiens, les foudroyeurs au service de Raiden, leurs ennemis. 
Le lien entre les deux personnages principaux, Vane et Audra s’instaure rapidement de par les événements passés (la tempête qui a coûté la vie à leurs parents), et leurs répercussions sur leur vie. 
Pour Vane, cela s’est traduit par une adoption heureuse et une nouvelle famille aimante. Pourtant la menace liée à ses origines le rattrape. Son obsession pour Audra explique son envie de s’approcher d’elle et de pouvoir la protéger. Il se révèle un élève difficile à entraîner, surtout qu’il doit composer avec une mère hyper protectrice et trouver des excuses pour ses absences prolongées,ou pour la fatigue intense ressentie après chacun d’entre eux. Pas facile pour Vane de lier un quotidien ordinaire à ses nouvelles fonctions de Maître du vent. Il fait pourtant de fulgurants progrès et arrive à impressionner Audra
Audra, quant à elle doit faire face à sa culpabilité permanente (elle se pense responsable de la mort des parents de Vane et de son père), son sacrifice et dévouement pas toujours faciles à assumer, sa solitude et sa relation difficile avec sa mère. Celle-ci, doté d’un égoïsme à toute épreuve, lui reproche la mort de son père et ne lui accorde ni affection, ni confiance. La détermination d’Audra, sa volonté de se racheter et de se plier aux dernières volontés de son père, qui s’est sacrifié pour sauver la vie de Vane, font d’elle une excellente gardienne, intelligente et dévouée. Malgré sa détermination et sa froideur, on sent chez elle une fragilité latente, une douceur et une mélancolie qu’elle cache au fond d’elle-même, les considérant sans doute comme une faiblesse (par exemple quand elle écoute le chant du vent ou tisse une ronde de berceuses pour aider Vane à s’endormir) : elle n’est pas du genre à se laisser aller et à se livrer.
Ce sont donc des personnages attachants, cohérents et nuancés.
J’ai tout de même noté un petit manque de subtilité en ce qui concerne Vane qui attribue vite ses déconvenues amoureuses à sa mystérieuse inconnue, alors qu’il ne connaît pas encore Audra et ses capacités (au tout début du récit). Cette « hyper lucidité » m’a laissée perplexe et légèrement sceptique. Mais l’auteure se rattrape heureusement fort bien ensuite. 
Les objectifs des personnages et leur évolution, bien développés, leur confèrent de la crédibilité. La cohérence de leur passé, de leurs attentes et de leurs fantômes intérieurs jouent un rôle indéniable sur l’intrigue.

L’ennemi, en la personne de Raiden, qui ne sera qu’évoqué dans ce premier tome, et la menace de ses foudroyeurs reste réelle et nullement pris à la légère. Ils se montrent puissants, ignobles et impitoyables envers leurs victimes. Raiden, en tyran digne de ce nom, ne fait pas les choses à moitié et ne recule devant rien pour parvenir à ses fins !
Cette force puissante, presque inébranlable de l’ennemi, rend la tension palpable et oppressante. La pression et les enjeux (la vie d’Audra entre autre) n’en sont que d’autant plus grands.

La relation entre Vane et Audra reste toujours plus ou moins tendue. Leur amour naissant n’arrive pas du jour au lendemain, mais se construit au fil du roman et semble plutôt inévitable : après tout, elle veille sur Vane depuis longtemps et elle est son obsession depuis toujours. Pourtant, Vane est promis à la future reine et Audra ne veut pas remettre en cause sa destinée et son serment de gardienne. Le garçon prend mal son rejet et s’emballe encore plus quand il apprend qu’il est fiancé. Entre douleur et colère, il multiplie les bêtises et donne bien du fil à retordre à la pauvre Audra.
Le lien d’union entre deux sylphes qui s’embrassent semble un peu poussé et le filon usé à l’extrême. Pourtant, ce même lien s’exprime ensuite de manière intéressante entre les deux personnages. 

Le style entraînant du roman, et le plume fluide de l'auteure deviennent vite agréables et confortables pour le lecteur. Shannon Messengerpropose une narration équilibrée et immersive, avec des descriptions et dialogues naturels. Le récit mené avec une alternance des deux points de vue d’Audra et de Vane permet d’explorer leurs sentiments et émotions, de se sentir proche d’eux. L’auteure fait preuve de justesse dans le ton employé, que ce soit pour le personnage féminin ou masculin, pour la sylphe déjà initiée ou pour l'ancien humain qui enchaîne les découvertes.
Pourtant, le lecteur est amené à se poser des questions. L’auteure, soucieuse de garder de la cohérence dans son récit, y répond, parfois un peu tardivement, laissant le doute s’installer dans la tête du lecteur. Même si l’ensemble reste très cohérent, certains points manquent un peu de naturel. C’est le cas par exemple pour l’histoire de la mémoire effacée de Vane ( pour éviter que Raiden ne le retrouve), mais qui conserve la même identité, le nom de ses parents. Avec les articles de journaux couvrant l’affaire du rescapé, Raiden aurait pu voir qu’il en avait réchappé et le retrouver facilement. Quand Vane s’en inquiète (à l’instar du lecteur qui s’en aperçoit bien avant lui), Audra répond simplement et évasivement que Raiden avait eu « vent » de la mort de ses parents et qu’un vent trompeur lui avait rapporté la sienne également. Un peu léger, tout de même. Dommage, il aurait peut être suffi de lui faire prendre le nom de ses parents adoptifs et de prétexter la protection de l’identité et de l’image d’un mineur vis-à-vis des journaux, pour le cacher définitivement aux yeux de Raiden.

En conclusion, Let the sky fall est un roman poignant, proposant un univers riche, des personnages attachants et bien développés, et que j’ai lu avec grand plaisir malgré quelques points qui m’ont chiffonnée. J’attends la suite avec impatience et remercie le forum « Au cœur de l’imaginarium » et les éditions Lumen pour cette très belle découverte.

vendredi 12 juin 2015

La chasse aux marqués de Tesha Garisaki

chasse-marques

Résumé

La magie est interdite à Sarèje. L'Inquisition n'hésite pas à se servir d'androïdes pour tuer les « marqués », détenteurs de tatouages aux propriétés magiques. Natalia est l'un d'eux. Sa vie est consacrée à soigner les gens, comme l'y a prédestinée sa marque. Mais ce soir, elle est prise en chasse par un modèle expérimental.

Mon avis

Tesha Garisaki, auteure de nouvelles publiées dans divers recueils, écrit parallèlement un roman. Je découvre sa plume et une partie de son univers avec La chasse aux marqués et compte bien lire d'autres de ses écrits.

Le résumé alléchant nous promet un monde futuriste, où la magie est interdite sous peine de mort. Fidèle à la tradition SF et sous couvert d'une vision futuriste de la société, l'auteure nous livre un message percutant sur les conséquences d'une intolérance fanatique aveugle et sans fondement. On pourrait même la transposer sous certains angles à notre monde actuel.
Sous les yeux des inquisiteurs, les humains dotés de magie deviennent de simples sujets à traiter sans pitié et la vie de ceux ci, de simples données permettant de les traquer et de les exécuter. Dans les mots choisis par l'auteur, dans l'attitude hautaine et méprisante des inquisiteurs, on devine leur facilité à déshumaniser les marqués, ainsi que leur manque d'empathie, perdue au profit de l'aveuglement fanatique et du pouvoir.

L'auteure contrebalance cette impression en présentant leur sujet actuel «Natalia », dans son quotidien. On découvre une jeune fille généreuse, qui utilise sa marque pour guérir et apporter son aide. Sa mère a déjà été exécutée par les inquisiteurs, provoquant le désespoir de son père. Ce n'est pas une simple marquée qui a été tuée, mais une épouse et une mère, tout comme ce n'est pas un simple "sujet" qui est de nouveau menacé. L'auteure amène le lecteur à en prendre conscience de manière habile, grâce à l'alternance des points de vue. En premier lieu, Natalia présentée comme marquée, simple fichier de données pour les inquisiteurs, puis ensuite jeune fille sympathique. On comprend immédiatement quelle est la menace qui pèse sur elle et comme l'on s'attache immédiatement à elle, on tremble forcément pour sa vie lors de cette horrible chasse.

La tension dans la nouvelle est d'ailleurs omniprésente et parfaitement bien maîtrisée . L'auteur mène son récit de manière à la faire monter d'un cran graduellement. On reste scotché à la liseuse, impossible de lâcher sa lecture en route une fois qu'elle est commencée !

L'univers présenté ne manque également pas de profondeur. Il ne représente pas un simple décor, dans laquelle prend place la chasse des marqués. La mégalopole dans laquelle vit Natalia a des quartiers où la jeune fille évolue, avec sa population, son histoire et ses blessures, celles qui ont amené les inquisiteurs au pouvoir. L'atmosphère y est fort bien décrite. L'ensemble sonne juste et ne manque pas de crédibilité.

En conclusion, j'ai adoré cette nouvelle qui m'a tenue en haleine du début à la fin. Le style fluide, la parfaite maîtrise de la narration et du récit, la vision simple mais crédible de la société présentée donnent du poids à un message fort et qui prête à réflexion. Un vrai coup de cœur !
Je suis curieuse de lire d'autres nouvelles de Tesha Garisaki (je pourrai déjà la lire de nouveau dans le recueil  Lhomme de demain  chez les artistes fous associés, dans les recueils A voile et à vapeur, et De la corne du Kirin aux ailes de Fenghuang (dès qu'il aura rejoint ma pal!) également tous deux publiés chez les éditions Voy'el, que je remercie pour cette très belle découverte !




Le Testament de Galilée - 3. L'enfant, de Sébastien Tissandier

Le Testament de Galilée - 3. L'enfant

Résumé

La grossesse d’Emma ne se déroule pas correctement. Tout va vite, trop vite pour Jules qui perd le contrôle de sa vie. Rongé par les doutes, l’esprit tiraillé par ses interrogations, il n’a pas d’autre choix que de se fier à ses amis.
Pendant ce temps, convoqués par leurs supérieurs, les Ghosts retournent aux États-Unis. Ils vont découvrir, au péril de leurs vies, un complot aux intérêts politiques à l’origine de l’affrontement entre le groupe de Jules et celui d’Anna.
De son côté, avide de pouvoir, Anna part à la recherche de la capacité qui lui permettra de se venger de l’humiliation que Jules lui a fait subir et de contrôler l’enfant de la destinée.
Leurs chemins vont une dernière fois se recouper, permettant enfin d’élucider le testament laissé par Galilée il y a plus de 400 ans !
Le dernier volume de la saga du Testament de Galilée de Sébastien Tissandier, en passe de devenir un monument de la littérature d’évasion.

Mon avis

Le troisième volume du « Testament de Galilée » intitulé « L’enfant » reste dans la continuité des deux tomes précédents. Nous retrouvons les personnages peu de temps après l’affrontement final du deuxième tome. Sébastien Tisandier prend le temps, en ce début de roman, de les laisser se remettre du choc qu’ils ont subi et d’assimiler ses conséquences. 
Ce volume se centre, comme son titre l’indique, sur l’enfant d’Emma et Jules, de la grossesse classée hors norme du fait de sa croissance accélérée, à ses influences sur les possesseurs de capacités. 

La narration adoptée dans ce volume garde la particularité de proposer un point de vue à la première personne pour Jules et à la troisième personne pour les autres personnages. Elle s’impose parfaitement au lecteur car la continuité dans l’écriture et une alternance régulière entre les deux aident le lecteur, sans le surprendre quand elle change. Je l’ai trouvée moins déstabilisante que dans le deuxième tome, car elle coule naturellement à la lecture. Et Jules apparaît clairement comme le personnage central, aux côtés de son enfant.
La narration reste de plus agréable, rythmée et équilibrée, avec des descriptions judicieuses et des dialogues vivants qui témoignent d’une belle complicité entre les personnages. Même le lecteur serait capable de les comprendre à demi mot. 
L’auteur reste fidèle à leur caractérisation et soigne aussi bien leurs relations que l’aspect psychologique.
Le roman repose sur beaucoup d’action, ce qui explique un bon rythme et un attention toujours constante du lecteur.
Le tout est porté par un style fluide, efficace, agréable à la lecture. 

Sébastien Tissandier a mis l’accent sur certains personnages
On retrouve Jules, comme toujours, autour de qui gravite son petit groupe d’amis. Jules, qui se sent bien impuissant et frustré, toujours soucieux de protéger sa famille et ses amis. 
Kurtis sera là, bien sûr, pour le soutenir. Leur belle complicité continue, pour notre grand plaisir. 
Au-delà de Jules, son enfant prend une place de plus en plus importante au sein du groupe. C’est un personnage à part entière, même quand il se trouve dans le ventre de sa mère. Il impose sa présence et ses ondes positives et réconfortantes aux membres du groupe, mais aussi et surtout apporte son aide dans les moments décisifs. Le lecteur apprend à l’apprécier, avant même sa naissance. 
De plus, la relation entre Jules et son enfant se met en place peu à peu et gagne en intensité au fil du roman.
Anna et Hector continuent leur chasse aux capacités. Anna engrange des pouvoirs de plus en plus dangereux et forme même une armée. L’enfant l’intéresse particulièrement et elle tente de s’en emparer par tous les moyens. Pourtant, d’autres adversaires, plus puissants encore, se profilent à l’horizon. Ce qui ne présage rien de bon. 
Parmi les personnages très présents dans ce troisième tome, on peut également citer Jaden Duke, qui occupe une place particulière dans le récit. Membre des Ghosts et protégé du capitaine Andersen, il passe par des moments forts (de joie et de tristesse) et réserve des surprises au lecteur.

En conclusion, le roman est agréablement construit et les personnages toujours aussi attachants. La lecture fut trépidante, un peu trop courte à mon goût, car j’aurai aimer accompagner encore ces personnages que j’ai appris apprécié sur ces trois volumes. Mais le dernier volume du « Testament de Galilée » ne marque pas la fin du cycle puisqu’une nouvelle série nommée « Les héritiers de Galilée » permettra de continuer l’aventure. Évidemment, je la lirai avec plaisir. Je remercie le forum « Au cœur de l’imaginarium » et les éditions « L’ivre-book » pour cette excellente lecture.

L'envol du cygne jaune d'Olivier Boile

envol du cygne jaune
Résumé
Le Fils du Corbeau, seigneur des steppes, a souhaité la paix avec le Fils du Ciel. Pour sceller celle-ci, l'Empereur de Chine lui offre un présent inestimable : la main de sa nièce. Mais la belle Liu Xijun, devenue Dame de la main droite, ne peut oublier son pays natal. Alors qu'elle la regarde dépérir, la vieille sorcière au service du roi sait qu'un jour, elle devra peut-être agir.

Mon avis
Je découvre avec cette nouvelle « L’envol du cygne jaune »  la plume d’ Olivier Boile, auteur de nombreuses autres nouvelles et de deux romans.
Sa présentation nous dévoile un auteur sédentaire qui aime voyager à travers ses écrits et c’est d’ailleurs un beau voyage qu’il nous propose à travers cette nouvelle !

J’ai découvert dans « l’envol du cygne jaune » une tribu méconnue : les Wusun (qui vivait sur les Steppes de Chine environ 300 ans avant JC, d’après mes rapides recherches).
La nouvelle permet une immersion sur le territoire de ce peuple partagé entre son pacifisme naturel et les conflits nombreux avec ses voisins belliqueux. Des accord de paix sont pris et c’est dans ce cadre qu’une nouvelle épouse chinoise est offerte au fils du corbeau, roi des Wusun.

L’auteur nous révèle le dédain que nourrissent les chinois envers leurs alliés, que ce soient les diplomates ou la jeune épouse : un véritable choc des civilisations. Ils considèrent ce peuple libre comme des barbares sans raffinement et leurs terres comme de mornes paysages, bien loin des beaux paysages de Chine dont-ils sont coutumiers.
La jeune épouse confie souvent son mal-être et sa nostalgie à une des conseillères du roi, elle-même Chinoise, arrivée sur les territoires Wusun depuis bien longtemps, et un peu sorcière.

La plume de l’auteur est fluide, élégante et nous décrit les coutumes et croyances de manière très détaillée et précise, ce qui permet une immersion dans une atmosphère sauvage et veloutée. Même si la narration paraît un peu plate, « L’envol du cygne jaune » nous offre la découverte cette tribu peu connue et un agréable voyage immobile.
L’auteur adopte un ton de conteur et teinte son récit d’un exotisme et d'une magie orientales appréciables.

Les personnages s’effacent au profit de l’histoire, leurs histoires, celle qui nous est contée, mais aussi un peu celle avec un grand H, car il s’agit de l’exploitation d’une période de la chine peu répandue dans les récits fantastiques.
La magie, bien que présente y est très légère, reste mystérieuse.

En conclusion: j’ai apprécié ce conte et la plume de l’auteur. Je remercie les éditions Voy’el pour cette jolie découverte.

mardi 9 juin 2015

Mauvaise graine de Michèle Rosaux

Mauvaises graines par Rosaux


résumé
Derrière les murs et les grilles d’un orphelinat, il est des secrets bien gardés, des pratiques douteuses, des expériences douloureuses qu’on ne souhaite partager avec personne. « L’empitié » n’y est pas la bienvenue. Surtout lorsqu’elle émane de Louis, le petit nouveau et qu’elle s’adresse à moi, Johnny Yankee, l’éternel rebelle, l’insoumis, la mauvaise graine. Ce n’est pas après quinze ans de lutte acharnée pour susciter crainte et respect que je vais me laisser attendrir par ce freluquet ! Même s’il a du miel au fond des yeux, si son visage est auréolé de boucles de soleil et si un seul de ses sourires met mon cœur à genoux.


Mon avis
Ce roman de Michèle Rosaux, précédemment intitulé « La vie est combat, la vie est un soldat » a été renommé « Mauvaise graine », lors de sa réédition par les éditions « Reine-Beaux ». L’auteure a également auto-publié un deuxième roman Un ange passa. Ils traitent tous deux de romance M/M.

Le Prologue de Mauvaise graine nous emmène sur l’Everest en compagnie du narrateur, Johny et de son ami Dédé. L'Everest, un lieu symbolique, on le comprendra bien plus tard, mais également un lieu qui fait remonter un flot de souvenirs : ceux de Johny, la mauvaise graine, né de parents illégitime, mais aussi ceux de l’arrivée de Louis dans l’orphelinat, où lui et Dédé séjournaient 20 ans en arrière.

La découverte de l’orphelinat et de son mode de vie glace vite le lecteur, car il y règne un climat de peur et de soumission constants.
Lieu d’humiliations et de sévices réguliers, celui-ci est tenu par des frères et sœurs aux mœurs corrompues. En effet, loin de s’inquiéter du bien être de leurs pensionnaires, les deux frères s’avèrent être de véritables salops, abusant des gamins quotidiennement. Leur perversité pourrait paraître stéréotypée, tant elle est poussée à l’extrême, pourtant elle reste crédible. L’auteure, Michèle Rosaux, nous livre les angoisses des gamins, principalement celle d’être leur prochaine victime. Les scènes d’une grande violence s’insinuent sans détour dans le récit, mais sans jamais tomber dans la vulgarité ou l’impudique. Le ressenti, les émotions frappent par leur justesse et leur crédibilité. Bien sûr, le lecteur ne peut que se poser des questions, face à ces situations. Qu’Est-ce qui pousse ces enfants à accepter l’inacceptable ? Mais, quand on resitue ces scènes dans leur contexte, on se rappelle qu’il s’agit d’enfants sans famille, sans repères, qui n’ont personne à qui se remettre, à qui faire vraiment confiance. Ils manquent également de repères, et leurs bourreaux profitent de leurs peurs. Sous la contrainte, ils leur imposent leurs abominables règles.
Les gamins pensent avant tout à leur survie, et pratiquent allègrement le chacun pour soi. Pourtant, cet alibi  ne tient plus quand arrive Louis, trop fragile et trop frêle. Johnny lui vient en aide et le défend contre les prédateurs de l’orphelinat. Son alibi ? L’empitié, un mélange d’empathie et de pitié, lui sert de prétexte pour jouer les chevaliers servants et lui permet de récolter la reconnaissance de Louis.
Et, quand il prend pour celui-ci, le préservant ainsi des mains des deux pervers, mais se retrouvant puni pour son insolence, c’est son image qui lui permet de surmonter la douleur et les blessures psychologiques infligées.

La relation entre les deux adolescents se traduit ensuite en petites attentions, révélant leur respect mutuel et leur admiration.
Johny, pas totalement insensible aux beaux trait fins de Louis, éprouve une attirance croissante et se rapproche de celui-ci. Leur complicité reste enfantine, teintée d’innocence, et de tendresse. On assiste aux premiers émois des deux ados, sous l’œil complice de Dédé, grand copain de Johny depuis toujours. Les bonheurs simples et l’ amour tendre paraissent pourtant trop courts et ne permettent pas d’effacer pleinement les temps de souffrance, mais aussi les drames. Le récit balance entre les deux de manière équilibrée. Johny hésite ensuite entre amour et amitié, car il ne sait pas si ses sentiments sont partagés et ne voudrait pas effrayer son ami.
L’amour naissant évolue, s’intensifie et survit aux séparations, gagne en maturité.

C’est lors du travail à la ferme, que Johny, Louis et Dédé, profitent d’une bulle d’air frais, propice aux moments complices. Le travail et l’environnement y sont fort bien décrits. Si l’orphelinat symbolise l’angoisse et l’oppression, la ferme leur offre une semi-liberté, un soulagement bienvenu. Lucie, la fermière leur donne, bien souvent un bon repas, mais aussi un peu de bonté humaine qui manque tant à l’orphelinat. C’est l’occasion de rappeler que les adultes ne sont pas tous d’horribles personnes et d’ajouter de la crédibilité au récit. 
Les ados ne se confient pas pour autant à elle, car changer d’orphelinat leur fait aussi peur : ils ne veulent pas être séparés et s’imaginent qu’ils pourraient trouver pire encore.
Par la suite, on retrouvera également une opposition entre campagne et ville, entre terrain connu et liberté totale. 

En conclusion, Michèle Rosaux nous livre un récit cohérent et intense, où se côtoient horreur et amour fou, humiliation et tendresse. On ne ressort pas indemne de cette histoire, qui m’a fait sortir mon paquet mouchoir, tant elle m’a bouleversée. Je remercie Michèle Rosaux pour cette très belle lecture que je vous recommande vivement. Je lirai d’ailleurs avec plaisir les autres romans de l’auteur, dont j’ai apprécié la plume !





dimanche 7 juin 2015

Cas Mille (nouvelle) Les Ignobles (roman), de Huguette Conilh


Résumé 
Ils sont les ignobles, victimes de leur différence, souffre-douleur des cours d’école, les proies de l’ignorance que l’intolérance met en marge de la société. Pour échapper au tableau des opprobres, Camille a préféré couper les ponts avec sa famille.
Jusqu’au jour où la mort de ses parents dans l’incendie de leur maison l’oblige à reprendre le chemin de la Vienne. Il recueille alors son frère cadet, Mathis, un adolescent torturé par la culpabilité de n’avoir pu sauver ses parents.
En 2014, nous vous avons offert la nouvelle d’Huguette Conilh « Cas mille », en 2015, achetez « Les Ignobles » et découvrez toute la richesse de l’écriture de l’auteure.


Mon avis 

Huguette Conilh est une auteur éclectique, qui n’en n’est pas à son premier roman. Entre romance, policier et même une nouvelle fantastique, elle aborde dans Cas Mille (la nouvelle) et les Ignobles (le roman) des sujets qui lui sont chers, tel que la différence et la tolérance. 

La nouvelle « Cas Mille » constitue une bonne introduction au roman. On y découvre deux frères : Camille, l’aîné et Mathis, encore enfant. 
Le premier a décidé de partir, pour éviter que sa famille n’éclate en se trouvant confrontée à son lourd secret : son homosexualité. 
Il dévoile dans cette nouvelle ses premiers émois, son premier amour, sa différence, qu’il assume, mais qu’il ne souhaite pas imposer, face à une famille intolérante et hostile. Il fait le choix d’être lui-même, malgré le sacrifice de la séparation. On découvre donc un personnage fort et sensible. La complicité qui le lie à son petit frère, évoquée dans la nouvelle, influe énormément sur l’intrigue du roman. 

Dans le roman, suite à la mort de leurs parents, Camille décide d’accueillir Mathis chez lui. Le cadet bien que traumatisé par l’incendie qui a coûté la vie à ses parents, se réjouit de retrouver son frère. Pourtant tout n’est pas si simple entre les deux frères et la communication plus compliquée que prévu.

Le roman se fixe sur quatre personnages que l’on suit avec plaisir : Camille et son frère Mathis, Aaron, le colocataire et Norbert le propriétaire et voisin. 
La plume d’Huguette Conilh est fluide, vive et efficace, son approche des personnages approfondie. Elle insiste avec délicatesse, justesse et pudeur sur leurs petits secrets, ne les épargne pas et les pousse dans leurs retranchements. Ils se révèlent très humains, à travers les diverses facettes de leur personnalité, même les moins avouables. En effet, l’auteure n’hésite pas à nous montrer leur mauvaise fois, leur immaturité, mais contrebalance avec une certaine tendresse pour ses personnages, car leurs qualités ne manquent pas. On s’attache à eux et on voudrait les voir s’en sortir, tant ils font face avec courage aux situations difficiles. Ils affrontent ces épreuves, évoluent au cours du roman, deviennent plus adultes ou plus sages, apprennent à se comprendre, à communiquer et à devenir plus tolérants.

Si le roman suit ces quatre personnages, dont on retrouve les points de vue successifs dans la narration, il se centre tout de même autour de Mathis, le plus jeune de tous.
Mathis s’avère être un gamin paumé, en souffrance, réclamant l’attention de son frère, qui l’a laissé en plan alors qu’il lui avait promis de revenir le voir après son départ. Mathis réagit également très mal à l’homosexualité de celui qu’il a idolâtré pendant tant de temps. Il enchaîne les caprices, et les actes inconsidérés, comme pour lancer un signal d’alarme.
Camille éprouve bien du mal à éduquer ce garçon difficile et arrogant et à concilier son arrivée avec sa vie quotidienne et amoureuse. Il n’est pas prêt pour autant à sacrifier son couple.
Les relations entre Mathis et Aaron démarrent mal et restent toujours compliquées : ce sont deux êtres en souffrance bien trop semblables et qui se disputent, en quelque sorte, l’amour et l’attention de Camille.
Mathis trouve souvent refuge chez Norbert, le propriétaire handicapé avec qui il peut discuter et se confier.

Le roman est une belle leçon de vie et de tolérance. Huguette Conilh évoque aussi des sujets sensibles, autres que l’homosexualité: les relations familiales compliquées, le handicap, le suicide, la difficulté de Mathis de s’adapter dans son lycée et de trouver des amis. Tous font partie d’une réalité, que nous connaissons de près ou de loin et l’auteur les aborde avec franchise et crédibilité.
Les émotions et sentiments sont très présents et fort bien décrits. Les événements s’enchaînent. On tremble pour Mathis, on a envie de le dissuader ou de l’encourager dans bien des situations, mais jamais on ne s’ennuie. 

La fin prend tout de même le lecteur par surprise, car l’on s’attend à en savoir un peu plus sur les réactions de chacun, suite aux révélations que l’auteure nous fait. Huguette Conilh a, en effet, analysé les événements à travers le roman toujours dans le détail et nous lâche immédiatement après nous avoir révélé le plus lourd secret de Mathis. Certes, celui ci explique pas mal de chose, mais je suis restée, je l’avoue, sur ma faim…

En conclusion: je conseille vivement la lecture de Cas Mille (nouvelle téléchargeable gratuitement), avant de lire le roman « Les ignobles », mais si vous vous plongez dedans, vous ne pourrez que poursuivre ! La plume d’Huguette Conilh, son exploration des personnages et de leur psychologie happe le lecteur. J’ai fort apprécié ce roman, qui change de mes lectures M/M habituelles et propose une expérience différente, plus proche de la réalité. Je remercie le forum « Au cœur de l’imaginarium » et les éditions « l’Ivre-Book » pour cette belle découverte.


Camille, de Léo Barthe


Résumé
En mars 2015, Jacques Abeille signe son nouveau roman Le Veilleur du jour aux éditions Le Tripode, où il a déjà publié Les Jardins statuaires, Les Barbares, La Barbarie et Les Mers perdues, tous salués par la critique. L’occasion pour nous de rappeler qu’il est aussi un grand auteur érotique, sous le pseudonyme Léo Barthe, personnage qu’il a créé dans Le Veilleur du jour (Flammarion, 1986) pour explorer en toute liberté, mais non sans vicissitudes, les sous-entendus et les interdits de la littérature amoureuse. Aux éditions La Musardine, on lui doit notamment Camille (réédité en février 2015) et Zénobie la mystérieuse (2008).

Aux abords du XIXe siècle, et aux confins d’une province reculée, dans une noble demeure délabrée, Gérard grandit sous l’autorité ombrageuse d’un oncle aigri en ignorant tout du monde et des affres de l’amour. Lorsque accidentellement surgit dans sa vie Camille, charmant adolescent selon l’apparence, Gérard, de découverte en découverte, perdra son innocence en suivant une instruction libertine pour le moins fiévreuse et périlleuse. Mais qui est Camille, et qui se cache derrière cet être mi-ange, mi-démon ? Quelle destinée l’oblige à soumettre son corps à des cruautés qui mènent à l’extase, entraînant Gérard dans son sillage ? La flamboyante passion qui unit les protagonistes de ce long rêve halluciné résistera-t-elle aux révélations d’un passé aussi trouble que mystérieux ? 


Mon avis

Derrière le pseudonyme de Léo Barthe, se cache Jacques Abeille, romancier. Celui-ci se sert en effet du nom du personnage d'un de ses romans, pour signer ses écrits les moins conventionnels et dont le lectorat peut s'avérer différent. « Camille », loin d'être le premier roman de l'auteur, que ce soit sous le nom d'Abeille, ou celui de Barthe, m'a clairement donné l'envie de découvrir son univers et ses différentes facettes.

Dans « Camille », un homme évoque ses souvenirs de jeunesse, son premier amour et son initiation aux plaisirs de la chair. Le récit, mené à la première personne, expose ses souvenirs, qui se coulent dans un quotidien monotone, dans une campagne isolée du monde et de la société.
Ce flash-back permet une prise de recul au narrateur sur la situation passée. Celui ci expose ainsi ses sensations et propose des explications, tout en relativisant leur importance et leur portée sur la suite des événements. Il ponctue son récit de remarques sur son état d'esprit de l'époque, avec un regard éclairé, mais en préservant le suspens, sans trop se livrer. Le tout reste suffisamment bien dosé pour garder l'intérêt du lecteur.

Dès le début du roman, le récit frappe par son style riche et élégant, fluide, mais soutenu. La plume sûre et subtile passe de moments poétiques aux passages les plus crus. La justesse dans le choix des mots ne peut que permettre au lecteur de se régaler.
Les descriptions et la narration sont également soignées. En effet, une narration rythmée et sans temps mort contribue au confort de lecture, lecture qui devient vite addictive. 
L'oscillation entre moments poétiques et crus se retrouve au sein même de la narration, qui offre d'un côté une analyse des émotions, des moments de contemplation et de création artistique, une exploration des sentiments et des sens, et de l'autre des situations et mises en scènes punitives très osées. L'auteur jongle avec ces scènes adroitement et déploie sa plume, mais sans jamais tomber dans le vulgaire. 
Ce soin apporté à la forme et au style représente la vraie force du livre, ce qui emporte vraiment le lecteur. Cela ne signifie pas pour autant queLéo Barthe néglige l'histoire, bien au contraire ! Tout simplement, il la sublime par ses mots.

« Camille », comme son titre l'indique, se centre sur l'histoire de Camille et du narrateur, deux personnages que tout oppose. Gérard est un jeune homme mélancolique et innocent. Camille, jeune homme de la haute société, cache bien son jeu. C'est un personnage dont la personnalité se façonne de nombreux secrets et de nombreuses facettes : à l'image pure et prude se superposent des attitudes tantôt hautaines, tantôt perverses et cruelles. Ses comportements changent bien souvent selon ses caprices et ses sautes d'humeur. C'est également un personnage en souffrance. On découvre au fil du récit ses blessures et cicatrices, les abus qui en sont à l'origine.
Camille semble à la fois s'amuser et souffrir de la relation entretenue avec Gérard et pousse toujours le jeu à l'extrême. Les sévices mis en scène sont sensés alléger sa peine. Dans la jouissance et le châtiment repose la quête de l'avilissement. C'est un aussi un excellent moyen pour réfuter les sentiments de Gérard, de mettre une barrière entre eux, tout en gardant une relation uniquement physique.
Au début du récit, le narrateur, vierge, s'avère niais et sans connaissances sur les plaisirs du corps. Camille lui apprend tout : premiers émois, premières relations sexuelles. Celui ci ne se pose d'ailleurs aucune question sur le sujet de l'homosexualité. Les caresses et gestes échangés lui semblent naturels, et ça lui suffit (son isolement l'a libéré du poids du jugement de la société). Cette innocence le rend attachant aux yeux du lecteur, qui apprécie de suivre son initiation, même quand celle-ci dérive. On remarque que dans ce cas, Camille s'arrange toujours pour garder le mauvais rôle.
Gérard va également mettre sa créativité au service de sa passion, peut être pour exprimer son amour, puisque Camille le lui interdit ou pour le sublimer, quand Camille ne cherche qu'à le salir. Il souhaite y représenter son insouciance, sa liberté.
Si les représentations faites gardent un caractère érotique, on note tout de même sa volonté de sublimer les corps.
L'histoire se centre donc sur eux, sur le ressenti du narrateur, son exploration des plaisirs (regard neuf sans jugement sur ses nouvelles expériences), des sentiments d'un amour naissant puis grandissant, aboutissant bientôt à l'amertume, puis à l'incompréhension. Les sentiments partagés ont été équivoques, passionnels, tendres, mais sauvages et coupables.
Camille aime Gérard à sa façon, mais le sait innocent et cherche à le souiller, avant son départ. Car le départ est inévitable : la vie de Camille est une fuite.

La révélation finale laisse le lecteur perplexe par sa logique (on ne l'a pas vu venir), par son culot et sa prise de risque. Léo Barthe fait avancer le narrateur et le lecteur sur des terrains qu'ils auraient sans doute préféré éviter. Le lecteur partage ainsi son hésitation entre plaisir et révulsion.
Le narrateur raconte cet épisode de sa vie avec précision. Il ne l'a toujours pas oublié, mais le désire-t-il vraiment ? Cette initiation l'a trop marqué pour qu'il puisse complètement s'en remettre et l'occulter. Le lecteur en ressort pareillement chamboulé. 

En conclusion : j'ai vraiment adoré le style de l'auteur. L'histoire racontée est forte et bien menée. Elle m'a marquée et c'est avec grand plaisir que je plongerai dans Zénobie la mystérieuse du même auteur, toujours en partenariat avec les éditions La Musardine que je remercie pour cette excellente lecture. Merci également au forum Au cœur de l'Imaginarium !