mardi 9 juin 2015

Mauvaise graine de Michèle Rosaux

Mauvaises graines par Rosaux


résumé
Derrière les murs et les grilles d’un orphelinat, il est des secrets bien gardés, des pratiques douteuses, des expériences douloureuses qu’on ne souhaite partager avec personne. « L’empitié » n’y est pas la bienvenue. Surtout lorsqu’elle émane de Louis, le petit nouveau et qu’elle s’adresse à moi, Johnny Yankee, l’éternel rebelle, l’insoumis, la mauvaise graine. Ce n’est pas après quinze ans de lutte acharnée pour susciter crainte et respect que je vais me laisser attendrir par ce freluquet ! Même s’il a du miel au fond des yeux, si son visage est auréolé de boucles de soleil et si un seul de ses sourires met mon cœur à genoux.


Mon avis
Ce roman de Michèle Rosaux, précédemment intitulé « La vie est combat, la vie est un soldat » a été renommé « Mauvaise graine », lors de sa réédition par les éditions « Reine-Beaux ». L’auteure a également auto-publié un deuxième roman Un ange passa. Ils traitent tous deux de romance M/M.

Le Prologue de Mauvaise graine nous emmène sur l’Everest en compagnie du narrateur, Johny et de son ami Dédé. L'Everest, un lieu symbolique, on le comprendra bien plus tard, mais également un lieu qui fait remonter un flot de souvenirs : ceux de Johny, la mauvaise graine, né de parents illégitime, mais aussi ceux de l’arrivée de Louis dans l’orphelinat, où lui et Dédé séjournaient 20 ans en arrière.

La découverte de l’orphelinat et de son mode de vie glace vite le lecteur, car il y règne un climat de peur et de soumission constants.
Lieu d’humiliations et de sévices réguliers, celui-ci est tenu par des frères et sœurs aux mœurs corrompues. En effet, loin de s’inquiéter du bien être de leurs pensionnaires, les deux frères s’avèrent être de véritables salops, abusant des gamins quotidiennement. Leur perversité pourrait paraître stéréotypée, tant elle est poussée à l’extrême, pourtant elle reste crédible. L’auteure, Michèle Rosaux, nous livre les angoisses des gamins, principalement celle d’être leur prochaine victime. Les scènes d’une grande violence s’insinuent sans détour dans le récit, mais sans jamais tomber dans la vulgarité ou l’impudique. Le ressenti, les émotions frappent par leur justesse et leur crédibilité. Bien sûr, le lecteur ne peut que se poser des questions, face à ces situations. Qu’Est-ce qui pousse ces enfants à accepter l’inacceptable ? Mais, quand on resitue ces scènes dans leur contexte, on se rappelle qu’il s’agit d’enfants sans famille, sans repères, qui n’ont personne à qui se remettre, à qui faire vraiment confiance. Ils manquent également de repères, et leurs bourreaux profitent de leurs peurs. Sous la contrainte, ils leur imposent leurs abominables règles.
Les gamins pensent avant tout à leur survie, et pratiquent allègrement le chacun pour soi. Pourtant, cet alibi  ne tient plus quand arrive Louis, trop fragile et trop frêle. Johnny lui vient en aide et le défend contre les prédateurs de l’orphelinat. Son alibi ? L’empitié, un mélange d’empathie et de pitié, lui sert de prétexte pour jouer les chevaliers servants et lui permet de récolter la reconnaissance de Louis.
Et, quand il prend pour celui-ci, le préservant ainsi des mains des deux pervers, mais se retrouvant puni pour son insolence, c’est son image qui lui permet de surmonter la douleur et les blessures psychologiques infligées.

La relation entre les deux adolescents se traduit ensuite en petites attentions, révélant leur respect mutuel et leur admiration.
Johny, pas totalement insensible aux beaux trait fins de Louis, éprouve une attirance croissante et se rapproche de celui-ci. Leur complicité reste enfantine, teintée d’innocence, et de tendresse. On assiste aux premiers émois des deux ados, sous l’œil complice de Dédé, grand copain de Johny depuis toujours. Les bonheurs simples et l’ amour tendre paraissent pourtant trop courts et ne permettent pas d’effacer pleinement les temps de souffrance, mais aussi les drames. Le récit balance entre les deux de manière équilibrée. Johny hésite ensuite entre amour et amitié, car il ne sait pas si ses sentiments sont partagés et ne voudrait pas effrayer son ami.
L’amour naissant évolue, s’intensifie et survit aux séparations, gagne en maturité.

C’est lors du travail à la ferme, que Johny, Louis et Dédé, profitent d’une bulle d’air frais, propice aux moments complices. Le travail et l’environnement y sont fort bien décrits. Si l’orphelinat symbolise l’angoisse et l’oppression, la ferme leur offre une semi-liberté, un soulagement bienvenu. Lucie, la fermière leur donne, bien souvent un bon repas, mais aussi un peu de bonté humaine qui manque tant à l’orphelinat. C’est l’occasion de rappeler que les adultes ne sont pas tous d’horribles personnes et d’ajouter de la crédibilité au récit. 
Les ados ne se confient pas pour autant à elle, car changer d’orphelinat leur fait aussi peur : ils ne veulent pas être séparés et s’imaginent qu’ils pourraient trouver pire encore.
Par la suite, on retrouvera également une opposition entre campagne et ville, entre terrain connu et liberté totale. 

En conclusion, Michèle Rosaux nous livre un récit cohérent et intense, où se côtoient horreur et amour fou, humiliation et tendresse. On ne ressort pas indemne de cette histoire, qui m’a fait sortir mon paquet mouchoir, tant elle m’a bouleversée. Je remercie Michèle Rosaux pour cette très belle lecture que je vous recommande vivement. Je lirai d’ailleurs avec plaisir les autres romans de l’auteur, dont j’ai apprécié la plume !





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