Résumé
Nous avons commis les plus graves des crimes. Nul souvenir ne nous en reste, sauf une date identique pour tous. Déportés dans une colonie pénitentiaire spéciale, nous travaillons à des recherches dans nos domaines d'excellence. Contrôles et examens périodiques évaluent nos progrès vers la réhabilitation.
Jamais nous n'avons vu nos gardiens. Jamais nous n'avons vu, par-delà les limites du camp, l'inconnu total et mortel qui nous environne. Nous sommes exilés sur un monde qui n'est pas notre Terre, et qui relève d'un plan différent.
Notre seul espoir de franchir le seuil dans le sens du retour... Accepter la part de l'ombre, renoncer à l'évasion... nous adapter à la KATORGA...
Jamais nous n'avons vu nos gardiens. Jamais nous n'avons vu, par-delà les limites du camp, l'inconnu total et mortel qui nous environne. Nous sommes exilés sur un monde qui n'est pas notre Terre, et qui relève d'un plan différent.
Notre seul espoir de franchir le seuil dans le sens du retour... Accepter la part de l'ombre, renoncer à l'évasion... nous adapter à la KATORGA...
Mon avis
A
l'occasion des dix ans de « Rivière Blanche » Jean
Michel Archaimbault nous propose avec « Katorga » une
version revisitée et modernisée de « N'accusez pas le ciel »,
de Richard Bessière (publié en 1964). J'avoue ne pas avoir lu ce
précédent roman et ne pas proposer une comparaison de ces deux
œuvres. Cette critique se centrera donc sur mon ressenti à la
lecture de « Katorga » uniquement.
Dans
« Katorga », Alexeï Goriantchiko, personnage principal
du récit nous raconte sa vie dans la Katorga, située sur la planète
Agruun Syrthra.
Emprisonné
dans la colonie pénitentiaire pour une faute qu'il ne se rappelle
plus avoir commise, sa mémoire ayant été effacée avant son
incarcération, il y mène des travaux de recherche et
d'expérimentation. Les prisonniers qui l'entourent sont aussi des
savants, qui se voient affecter des taches, en fonction de leurs
compétences spécifiques.
Leur
vie quotidienne semble rythmée autour de ces travaux qui retiennent
la majeur partie de leur attention.
Pourtant,
Alexeï s'interroge. Quelle est sa faute ? Et celle des autres ?
Ont-ils commis le même crime, puisqu'ils furent tous emprisonnés le
même jour ? (la date d'effacement de la mémoire semble, en
effet, la même pour tous). Sinon, par quel hasard auraient-ils
commis leur crime le même jour ? Et surtout quel est ce crime ?
Sont-ils des assassins ?
Alexeï
voudrait savoir, comprendre. Ces questions semblent l'obséder plus
encore que son emprisonnement lui même.
D 'ailleurs
dans la Katorga, la liberté ne s'obtient qu'après réhabilitation,
car ce n'est pas le rachat de la faute qui compte, mais la guérison.
Des tests organisés quotidiennement permettent de juger du
traitement approprié. L'évasion reste improbable, car elle serait à
coup sûr découverte, vu la surveillance constante de l'état
d'esprit des prisonniers et de leurs intentions, grâce à ces mêmes
tests. Mais, ce n'est pas ce qui motive Alexeï, avant tout en quête
de vérité.
Au
départ de son aventure, Alexeï se réfugie dans la solitude et
tente de ne pas être percé à jour. Seules de rares confidences
sont échangées avec celui qu'il appelle « le professeur ».
Les autres attachent plus d'importance à leurs travaux de recherche
et sujets d'expérimentation, sans se mêler aux éléments
perturbateurs.
La
solitude d'Alexeï le pousse à l'obsession, ainsi qu' à la prise de
risques pour essayer d'en découvrir plus. Le professeur lui
reprochera même son attitude imprudente et source d'ennuis pour les
prisonniers et la colonie. Inga, fille du professeur est la première
à se rapprocher de lui et à comprendre ses plans.
Une
important explosion permet pourtant à certains prisonniers de
réaliser qu'ils ne sont pas aussi seuls qu'on cherche à leur faire
croire et qu'on leur cache des choses. Voilà qui leur donne l'envie
d'en savoir plus !
Cet
événement s'avère donc propice au rapprochement et un petit groupe
de complices rejoint Alexeï qui pousse son exploration toujours un
peu plus loin.
Si
les protagonistes du récit deviennent vite nombreux, l'intrigue se
ressert sur ce petit groupe, ce qui permet de mieux cerner les
personnages et de garder le fil sans être perdu. De plus la bonne
caractérisation des principaux personnages et la narration à la
première personne du point de vue d'Alexeï permet au lecteur de
garder des repères précis. Adopter le point de vue d' Alexeï, se
révélant le plus « rebelle » de tous, ne se contentant
pas d'évidences assenées à coup de suggestions et conditionnement,
s'avère un très bon choix, car on aime le suivre et on partage sa
soif de vérité. Les révélations auxquelles il se trouve
confronté, vont au delà de ce qu'il peut imaginer et accepter.
La
narration à la première personne présente bien des avantages.
L'auteur insiste avec justesse sur les émotions et réflexions d'
Alexeï. De plus, les informations fournies au lecteur découlent de
ses découvertes (ou de ce qu'il croit découvrir). Elles sont le
fruit de ses visions, de ses tourments et incompréhensions. On ne
connaît pas son degré de lucidité face aux événements. L'auteur
peut ainsi moduler le récit dans la direction désirée, à l'aide
de ces semi-vérités, entre surprise et épouvante. Le lecteur, pas
plus qu'Alexeï, ne peut détecter ce qui est réel ou non, ce qui
est suggestion et ce qui est réalité. Le doute reste permanent.
L'auteur emmène donc le lecteur à sa guise, pour mieux le
surprendre et y réussit fort bien ! En effet, si le point de
départ et l'arrivée forment des classiques SF prévisibles et
attendus, le chemin parcouru, par contre, ne manque pas d'originalité
et d'imagination.
S'il
semble un peu dommage que l'exposé final apporte la « Vérité »tant
recherchée de manière un peu mécanique, elle apporte toutefois des
éléments de compréhension supplémentaires sur le choix de la
narration : celle ci prend tout son sens sur le fond, comme sur
la forme. Tout a été préparé calculé, mis en place, maîtrisé
par l'auteur et le lecteur se laisse piéger avec plaisir !
La
Katorga, lieu mystérieux et élaboré, s'organise autour d'un mode
de fonctionnement pensé et calculé de manière optimisée :
des tâches, confiées aux savants exploités selon leurs
compétences, découlent les inventions validées et concrétisées
et les avancées technologiques. Ces hommes représentent donc les
maillons indispensables de son bon fonctionnement, mais sont
conditionnés pour s'en remettre entièrement aux robots qui gèrent
la colonie. La véritable nature et fonction de ces robots, ainsi que
de l'inquiétant commandant, qui impose une autorité sournoise et
sans faille, font partis intégrante des secrets bien cachés de la
Katorga.
L'autorité
mise en place, passe également par l'individualisme : on tient
chaque savant focalisé sur ses recherches, encouragé à délaisser
toute conscience collective. On lui apprend à douter constamment des
autres à respecter la discipline, mais surtout à la faire
respecter.
L'explosion,
élément perturbateur du récit, permet à notre petit groupe de
complices, nouvellement formé, de se projeter à l'extérieur de la
Katorga, alors qu'ils ne l'auraient jamais envisagé auparavant,
persuadés de se trouver sur une planète inhabitée et hostile.
L'extérieur révèle
d'ailleurs bien des surprises et des paradoxes, que ce soit sur la
nature même d' Agruun Syrthra ou sur les cités visitées. Ces
dernières, envoûtantes et intangibles, paraissent en pleine
ébullition, alors qu'elles sont vides de toute vie. Le phénomène
qui les caractérise leur accorde également une étrange
immortalité.
L'écriture
précise, juste et fluide, les chapitres courts, la narration à la
première personne et l'emploi du présent, offrent un rythme de
lecture très plaisant et une plongée totale dans l'univers proposé
par l'auteur. L'immersion, ainsi facilité, rend le récit plus
vivant.
Si
l'intrigue et les sous-intrigues peinent parfois à s'imbriquer au
début, elles se fluidifient ensuite au cours du récit, qui reste
toujours très prenant.
On
apprécie également les paradoxes proposés et le doute constant
entre suggestion et réalité, très bien mis en place, bien décrits,
à la fois surprenants et intrigants.
L'auteur
joue des faux-semblants, des fausse vérités et les convictions du
lecteur se font et se défont au fil du récit, jusqu'au dénouement
final.
Si
un soupçon d'explication germe vite dans l'esprit du lecteur, il ne
s'attend pas au chemin parcouru pour la vérifier, ni à la tournure
que prend finalement l'intrigue. De plus, si la révélation finale
semble assez machiavélique (voire choquante), elle suit pourtant un
raisonnement logique,construit au fil des effroyables découvertes
réalisées par Alexeï et ses amis, et apparaît tout à fait
cohérente avec la culture SF.
L'atmosphère
de Katorga souvent oppressante, parfois horrible et glaçante,
toujours troublante représente un point fort du roman. On peut
noter également l'équilibre intéressant entre éléments de
l'intrigue et détails techniques. J'avoue mon ignorance sur ce
point, pourtant ces détails fort intéressants pour qui s'y entend
un minimum sur ce sujet, ne sont pas pesants pour les non initiés et
n'occasionnent aucune gêne à la lecture.
En
conclusion, « Katorga » est un excellent roman de SF,
prenant et surprenant. J'ai apprécié l'univers riche, l'intrigue
tortueuse et les personnages attachants proposés par JM
Archaimbault. Grâce à la plume de l'auteur, et l'atmosphère
froide, parfois glaçante, je me suis immergée sans mal dans
l'intrigue. Une fois lancée, difficile de lâcher, tant j'avais
envie de connaître et comprendre la vérité à l'instar d'Alexeï.
Voilà
qui me donne bien envie de découvrir « N'accusez pas le
ciel », afin de discerner points communs et apports faits avec
l'adaptation.
A
la fin du livre, on retrouve d'ailleurs le témoignage de Mick
Bessière, épouse de Richard Bessière (aujourd'hui décédé) qui a
accordé son soutien et sa confiance à Jean michel Archaimbault,
avec le désir de voir vivre encore l’œuvre de son mari.
Jean
Michel Archaimbault nous livre aussi le cheminement de ses
préparations, des lignes directrices choisies pour la réécriture,
son souhait d'y conserver l'esprit du roman original et sa volonté
de rendre hommage à l'auteur.
Ces
compléments d'informations pertinents se lisent, donc, avec intérêt
à la suite du roman.
Je
remercie « Rivière Blanche » et « Au cœur de
l'Imaginatium » pour cette très belle découverte.
Que de mystères… J’ai bien envie de découvrir ce roman du coup !
RépondreSupprimerJe te le conseille. Je me suis régalée !
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