samedi 19 décembre 2015

Pas de pitié pour les Borloks de Richard Bessière, J.-M. Archaimbault & J.-M. Lofficier


Résumé
Chers lecteurs,

Hier ou avant-hier, mon regretté biographe, Richard Bessière, aurait pu intituler le premier récit composant ce livre L'étrange Noël de Sydney Gordon. Imaginez des jouets par millions, extraordinaires et innovants au point de nous plonger dans une totale dépendance, tandis que notre Univers, lui, part peu à peu en quenouille ! Trouver le généreux donateur et découvrir quelle mouche l'a piqué ne sera pas de la tarte, croyez-moi. En attendant, soyez sages et suivez mon conseil d'ami, au cas où : NE TOUCHEZ PAS AUX BORLOKS...

Nous espérions beaucoup du XXIème siècle. Lendemains qui chantent, paix, harmonie et grande fraternité mondiales, accès instantané à toutes les formes concevables de loisirs... Gagné : aujourd'hui, on a tout, grâce au Progrès et à la Toile. Addiction incluse, surtout chez les jeunes. Car dans le virtuel, chacun devient un big boss, un super-héros ou un dieu hyper médiatique sans bouger de son fauteuil.

Vu d'ailleurs, cela peut motiver à imiter nos créations idéales, abstraites et pourtant criantes de matérialité, puis à vouloir en prendre les rênes à notre place. Sacré challenge ! Alors, au diable la casse collatérale, et PAS DE PITIE POUR LES BORLOKS !

Votre fidèle et dévoué
Sydney Gordon


Mon avis

La préface de Pas de pitié pour les Borloks nous situe, non sans une dose d’humour agréable à la lecture, l’auteur de « Ne touchez pas aux Borloks » publié en 1968, Richard Bessière, et ses nombreuses publications SF, ainsi que son personnage principal : Sydney Gordon. On ne retrouve pas seulement ce personnage dans ces deux romans, puisqu’il est aussi le héros de toute une série d’aventures, s’étalant sur près de vingt ans.
C’est d’ailleurs Sydney Gordon lui-même qui nomme R. Bessière comme son biographe attitré, puis qui nous présente ses successeurs Jean Marc Lofficier et Jean Michel Archaimbault de façon bien sympathique.

Dans « Ne touchez pas aux Borloks », Sydney Gordon, journaliste New-Yorkais nous raconte ses aventures (le roman est écrit à la première personne) et nous entraîne dans la lecture, sous la plume fluide et rythmée de l’auteur.
On le retrouve lui est sa femme en pleine effervescence de réveillon de Noël, alors qu’ils découvrent chez eux le plus étrange des jouets: un borlok. Ce jouet bien bavard, prend la forme d’une poupée qui semble douée de conscience tant sa conversation s’adapte à toute répartie du journaliste et de sa femme. Sydney cherche alors l’origine de ce jouet et son expéditeur. Il comprend vite que chaque foyer a reçu un borlok, chacun prenant des formes différentes, tous envoyés par un mystérieux M, et que leurs intentions n’est pas des plus bienveillantes. Surtout quand toutes les lois de la physique s’écroulent et que des étoiles disparaissent ! Drôle de Hasard ! Accompagné de sa femme, ses amis Archibald et  Gloria il se lance dans de passionnantes aventures.

A travers la plume de Bessière, on sent la dimension commerciale que prend Noël et le regard désabusé de Sydney sur l'événement. Les rues sont bondées, les commerces assiégés. La folie festive parait plus exaspérante qu’apaisante. L’auteur apporte également un regard acéré sur l’humanité, à travers les borloks et M leur mystérieux fabriquant.
En effet, les borloks, certes étranges jouets, ne sont pas intrinsèquement mauvais, mais correspondent pour l’homme à un besoin bien précis: celui de la fuite. Fuite de l’ennui, de la vie et son train train quotidien : l’évasion par excellence. Ils envoûtent leurs nouveaux propriétaires jusqu’à leur faire perdre toute notion de temps et de réalité. Si Gordon se dépêtre rapidement de sa poupée parlante, et avouons le plutôt agaçante, sa femme Margaret a du mal à renoncer à son jeu malgré des règles particulièrement incongrues (si elle perd, elle se suicide), Gloria se mire dans un miroir qui la pare de toutes les tenues de ses rêves et Archie se perd dans la lecture d’un journal. Les humains peuvent ainsi se perdre dans une occupation à l’infini, s’enferment dans la passivité, sans même penser à leurs besoins les plus essentiels, comme se nourrir par exemple.

Une fois sortis de leur transe, les quatre aventuriers parviennent à utiliser les borloks et leurs potentialités extraordinaires, pour mettre en place un moyen de traverser la membrane de la réalité et rejoindre le pays des jouets : le manège de Moebius (en utilisant la théorie du ruban du mathématicien du même nom).

Au pays des jouets, le père Noël n’est pas forcément celui que l’on croit et les jouets, ou plutôt les borlocks, tous « vivants », poupées, pantins, et automates se retrouvent dans différents secteurs, selon leur fonction dans le jeu. Le pays des Borloks constitue donc un terrain de jeu grandeur nature, où nos aventuriers vont subir des épreuves. Heureusement, leur intelligence et leur ruse leur permettent de les affronter. Archie apporte ses connaissances scientifiques et Sydney a plus d’un tour dans son sac. On peut en dire autant de Gloria qui s’en tire avec brio !
On les suit avec plaisir dans un univers fantaisiste, avec des décors surréalistes, atteint d’un grain de folie, parfois à la limite de l’absurde, car tout y est un éternel recommencement. Les batailles et jeux se reproduisent en boucle, à l’infini. On y retrouve également une forte influence des aventures d’Alice au pays des merveilles, d’ailleurs un des secteurs y est dédié. Mais, il ne faut pas s’y tromper, c’est également un univers dangereux pour nos héros, devenus « joueurs » malgré eux.

Dans cette aventure l’auteur entraîne le lecteur, le captive dans une atmosphère angoissante et envoûtante, dans un univers et un imaginaire intrigant. Les personnages n’y manquent pas d’audace. L’identité de M ne surprend pas vraiment, mais ses intentions concluent ce premier tome sur une fin émouvante.

Une nouvelle intitulée « Faut pas pousser Mamie dans les Schlingniarfs », bourrée d’humour, qui se laisse lire avec plaisir, fait la transition avec la deuxième aventure de Sydney au pays des borloks dans « Pas de pitié pour les borloks ! »

En effet, grâce à Jean Marc Lofficier et Jean Michel Archaimbault, Sydney renoue avec les Borloks, toujours avec son fidèle ami Archie et cette fois accompagné de son fils Bud.
Jean Marc Lofficier et Jean Michel Archaimbault y apportent du punch et de la modernité, tout en respectant l’esprit et l’imaginaire mis en place par Richard Bessière. Ils s’attardent aussi un peu plus sur le personnage de Sydney, sur sa relation avec son fils. Si le récit reste construit sur les même bases, les aventures qu’ils mènent ensembles les conduisent à mieux se connaître et à gagner en complicité.

Au début du roman, Sydney mène une vie désabusée et regarde avec amertume son quotidien. Entre un boulot qui ne lui convient plus, sa femme captivée par la télévision et Bud par ses jeux vidéos et ses comics, il sent une frontière le séparer d’eux et de lui-même. On retrouve pourtant son cynisme dans la narration et sa façon de s’exprimer. La caractérisation des personnage est conservée et bien maîtrisée.

Lorsqu’un appel à l’aide de M les embarque de nouveau dans le monde des Borloks, ils y trouvent des secteurs totalement différents, en symbiose avec les progrès de la réalité. On retrouve des influences et inspirations marquées pour des films et séries que l’on connait bien : entre les Men in black, les Transformers, les Pokémons et autres créatures assaisonnés à la sauce borlock. Il en ressort toutefois un univers tout aussi surréaliste, voir loufoque que dans le premier opus avec des secteurs bien définis tels que les mangabots (robots transformers) les furries (animaux parlants et le bois joli plutôt angoissant), les cutties…

Il souffle un vent de folie dans tout ce petit monde menacé par un étrange fantôme, qui prend possession des borlocks. Par exemple, l’épisode du massacre des six nains (le septième ayant déjà connu un triste sort), par des porkemons, mélange de Pokémon et de Packman constitue une expérience hallucinante pour Sydney et pour le lecteur. Le récit est également truffé de références à Asimov, Starwars, le seigneur de anneaux ou même à Toystory et bien d’autres : un réel plaisir à la lecture.

Les super-héros sont également présents et viennent en aide à nos amis. Bud n’en revient pas de se retrouver en présence des personnages de ses comics. Il prend d’ailleurs part dans la narration le temps de quelques chapitres, pour raconter l’histoire de son point de vue: une intervention bienvenue, car il apporte de la fraîcheur et de l’énergie dans le récit.
D’ailleurs son rôle prend un tournant essentiel dans le secteur fantôme, conçu à l’image d’un jeu vidéo. On se retrouve dans l’effervescence du jeu et on sent le gamer qui apprécie l’aventure à sa juste valeur.

A la fin, encore, pas d’immense surprise, mais c’est le voyage qui compte. Jean Marc Lofficier et Jean Michel Archaimbault ont vraiment su à la fois respecter et s’approprier les personnages et l’univers des borloks. Un mélange détonnant, jouissif à la lecture. J’avoue avoir été scotchée jusqu’à la fin !

Je suis presque déçue d’avoir fini cette aventure avec les borloks… mais quelle aventure ! Extraordinairement loufoque ! En clair, un coup de cœur !











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